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NICOLAS OPPENCHAIM Observatoire du Samusocial de Paris Laboratoire LVMT Paris Est Sociologie RĂ©sumĂ© . Lâobjectif de cet article est de prĂ©senter un exemple de participation active des adolescents Ă une recherche de sociologie sur leurs mobilitĂ©s urbaines. Dans le cadre de cette recherche menĂ©e dans des Ă©tablissements scolaires, les adolescents ont ainsi rĂ©alisĂ© des questionnaires de sociologie quâils ont distribuĂ©s Ă dâautres jeunes. Ils ont Ă©galement pris des photographies et Ă©crit des textes sur leurs mobilitĂ©s, avant dâĂȘtre interrogĂ©s individuellement sur ce thĂšme par le chercheur. Cette mĂ©thode a pour premier avantage de favoriser le consentement Ă©clairĂ© des adolescents en leur faisant comprendre les implications de leur participation Ă une recherche. Elle permet Ă©galement de crĂ©er une relation de confiance avec les adolescents et de stimuler leur rĂ©flexivitĂ© afin de les associer Ă lâĂ©laboration de la recherche. Introduction Est-ce que prendre les adolescents comme objet dâĂ©tude suppose lâutilisation de mĂ©thodes de recherche diffĂ©rentes de celles utilisĂ©es pour les adultes ? Quelles sont les mĂ©thodes permettant de concilier rigueur scientifique et prĂ©occupations dĂ©ontologiques dans lâĂ©tude de cette population ? Ces questions ont Ă©tĂ© beaucoup plus abordĂ©es dans la littĂ©rature sociologique anglophone que dans celle en langue française Danic et al, 2006. Or, elles se sont rĂ©vĂ©lĂ©es centrales dans le cadre de la recherche que jâai menĂ©e sur les mobilitĂ©s quotidiennes des adolescents de zones urbaines sensibles ZUS. Cette recherche avait pour point de dĂ©part lâidĂ©e que la mobilitĂ© constitue une Ă©tape importante de la socialisation des adolescents, car elle est le support du passage du monde familier au domaine public Breviglieri, 2007. Elle permettait ainsi dâenrichir les approches statiques de la sĂ©grĂ©gation, en ne rĂ©sumant pas lâinscription urbaine des adolescents de ZUS Ă leur localisation rĂ©sidentielle et en prenant en compte les interactions quâils ont avec des citadins dâune autre origine gĂ©ographique et sociale durant leurs mobilitĂ©s Oppenchaim, 2009. Lors de cette recherche, jâai alors Ă©tĂ© confrontĂ© Ă un certain nombre de difficultĂ©s mĂ©thodologiques et dĂ©ontologiques, inextricablement liĂ©es comment un enquĂȘteur adulte peut-il accĂ©der aux pratiques de mobilitĂ© des adolescents, qui sont un moment privilĂ©giĂ© de lâentre-soi adolescent ? Comment recueillir et utiliser pour un travail acadĂ©mique des informations sur ces pratiques en sâassurant que les adolescents comprennent ce quâimplique leur participation Ă la recherche ? Ces diffĂ©rentes difficultĂ©s mâont conduit Ă dĂ©velopper une mĂ©thodologie inĂ©dite dont le but Ă©tait de favoriser la participation active des adolescents dans la recherche. Jâai ainsi mis en place des projets dans des Ă©tablissements scolaires, combinant initiation des adolescents Ă la sociologie, rĂ©alisation de textes et de photographies sur leurs mobilitĂ©s ainsi que des entretiens individuels semi-directifs. Afin de mieux comprendre la dĂ©marche mĂ©thodologique que jâai suivie, je procĂ©derai en trois temps. Je dĂ©velopperai tout dâabord les problĂšmes que soulĂšve lâĂ©tude des pratiques de mobilitĂ© des adolescents. Puis, je montrerai en quoi la participation active des adolescents dans la recherche permet de rĂ©soudre en partie ces problĂšmes, avant dâexposer comment jâai concrĂštement favorisĂ© cette participation. Quels problĂšmes dĂ©ontologiques et mĂ©thodologiques soulĂšve lâĂ©tude des pratiques de mobilitĂ© des adolescents ? La premiĂšre difficultĂ© mĂ©thodologique spĂ©cifique Ă laquelle est confrontĂ© un chercheur adulte travaillant sur les adolescents est de mener une recherche malgrĂ© la distance gĂ©nĂ©rationnelle qui existe entre lui et les enquĂȘtĂ©s. En effet, les adolescents se situent dans une pĂ©riode de remise en cause du contrĂŽle des adultes sur leurs pratiques et dâaffranchissement vis-Ă -vis de la tutelle des institutions en charge de leur encadrement Zaffran, 2010. Paradoxalement, la mise en relation du chercheur avec les enquĂȘtĂ©s passe nĂ©anmoins majoritairement par ces institutions Ă©cole, centres sociaux, associations dâaide aux devoirsâŠ, car les adolescents y passent une grande partie de leurs temps et que la prĂ©sence dâadultes y est tolĂ©rĂ©e. Ce passage par les institutions ne concerne pas seulement les chercheurs sâintĂ©ressant aux pratiques des adolescents dans ces lieux, mais Ă©galement ceux qui travaillent sur les pratiques se dĂ©roulant en dehors des cadres institutionnels. En effet, ces pratiques, comme les mobilitĂ©s, constituent des moments privilĂ©giĂ©s de lâentre-soi adolescent. Cela rend alors difficile la prĂ©sence prolongĂ©e dâun enquĂȘteur adulte auprĂšs des adolescents lorsquâils rĂ©alisent ces activitĂ©s. Le chercheur peut certes prendre comme terrain dâobservation les lieux non institutionnels dans lesquels les adolescents se rendent durant leur temps libre, comme les centres commerciaux Kokoreff, 1998. NĂ©anmoins, les entretiens avec les adolescents constituent la source dâaccĂšs Ă ces pratiques la plus souvent utilisĂ©e. LâĂ©tude des pratiques extra-institutionnelles des adolescents est alors marquĂ©e par ce paradoxe les institutions constituent une voie dâentrĂ©e privilĂ©giĂ©e, voire unique, pour le chercheur, alors mĂȘme que les adolescents souhaitent sâĂ©manciper de la tutelle de ces institutions et Ă©prouvent, pour certains, une relative mĂ©fiance Ă leur Ă©gard. Cette mĂ©diation par les institutions doit alors impĂ©rativement ĂȘtre intĂ©grĂ©e Ă lâanalyse des rĂ©sultats obtenus. Elle nâest en effet pas sans influence sur la relation dâenquĂȘte entre des adolescents et un enquĂȘteur adulte, plus ou moins assimilĂ© Ă lâinstitution par laquelle il est entrĂ© en contact avec eux. LâenquĂȘteur ne peut alors totalement sâĂ©manciper des relations asymĂ©triques, notamment en terme de pouvoir et dâautoritĂ©, qui structurent la relation de lâadolescent Ă cette institution. De mĂȘme, cette mĂ©diation influence le profil des adolescents auxquels lâenquĂȘteur accĂšde. Lâinstitution par laquelle le chercheur entre en relation avec les adolescents peut ainsi ĂȘtre en charge dâun public spĂ©cifique. Le choix des adolescents retenus pour lâenquĂȘte peut ĂȘtre Ă©galement fortement orientĂ© par les personnels institutionnels assurant lâinterface avec le chercheur Sime, 2008. Le passage par des institutions pour accĂ©der aux adolescents enquĂȘtĂ©s pose donc un certain nombre de problĂšmes mĂ©thodologiques. Mais il soulĂšve Ă©galement des considĂ©rations Ă©thiques, notamment en ce qui concerne le consentement Ă©clairĂ© Ă participer Ă la recherche. Par exemple, lorsque la mise en contact du chercheur avec les adolescents se fait par lâintermĂ©diaire de lâinstitution scolaire, il peut exister une confusion aux yeux des adolescents entre la recherche proprement dite et les activitĂ©s scolaires habituelles. La participation Ă la recherche pouvant alors ĂȘtre perçue comme obligatoire, lâadolescent risque de ne pas oser refuser la proposition. Ce problĂšme du consentement Ă©clairĂ© ne concerne pas que les enquĂȘtĂ©s mineurs Vassy et Keller, 2008, mais il se pose de maniĂšre spĂ©cifique pour les adolescents pour trois raisons Morrow, 2008. Ils bĂ©nĂ©ficient tout dâabord dâun statut juridique particulier, rendant nĂ©cessaire au niveau lĂ©gal lâobtention dâune signature de leurs tuteurs adultes. Le simple accord des enquĂȘtĂ©s mineurs nâest ainsi pas nĂ©cessairement suffisant pour couvrir le chercheur au niveau lĂ©gal. Dâautre part, les adolescents forment un groupe social plus vulnĂ©rable que les adultes. Au niveau individuel, ils peuvent se voir imposĂ©s lors de leurs interactions avec le chercheur les schĂ©mas dâinterprĂ©tation de celui-ci, par manque dâhabitude de ces situations. Au niveau collectif, ils ne possĂšdent pas de reprĂ©sentants dans la communautĂ© adulte leur permettant de discuter les rĂ©sultats tirĂ©s Ă leur Ă©gard ou de sâassurer que leur parole nâa pas Ă©tĂ© travestie ou retranscrite partiellement. Enfin, le consentement des adolescents Ă participer Ă la recherche peut ĂȘtre influencĂ© par diffĂ©rents biais, comme par exemple la confusion Ă©voquĂ©e prĂ©cĂ©demment entre activitĂ©s obligatoires et activitĂ©s de recherche lorsque celle-ci a lieu dans un cadre institutionnel. La vulnĂ©rabilitĂ© potentielle des adolescents nĂ©cessite donc des prĂ©cautions dĂ©ontologiques, afin de sâassurer que les enquĂȘtĂ©s comprennent les implications de leur participation Ă une recherche sociologique. Elle ne doit cependant pas conduire Ă ne pas investiguer cette population. Les considĂ©rations exposĂ©es prĂ©cĂ©demment sont ainsi assez analogues aux rĂ©flexions qui ont pu ĂȘtre menĂ©es dans le cadre dâenquĂȘtes avec des groupes sociaux adultes vulnĂ©rables, comme les sans-domicile Firdion et al, 1995. Les trois grandes justifications avancĂ©es lors de la mise en place du programme de recherche de lâINED sur cette population peuvent ainsi ĂȘtre transposĂ©es au cas des adolescents. Au niveau scientifique, ne pas mener dâenquĂȘte auprĂšs dâadolescents reviendrait Ă se contenter du regard portĂ© par les adultes sur leurs pratiques. Le chercheur nâaccĂ©derait pas Ă leur point de vue, mais Ă celui des institutions qui en sont en charge. Au niveau dĂ©mocratique, ne pas enquĂȘter sur les adolescents reviendrait Ă ne pas leur donner de statut de personne, Ă supposer une discontinuitĂ© entre leur monde et celui des adultes et donc Ă les exclure symboliquement de la sociĂ©tĂ©. Enfin, au niveau humain, les adolescents ne doivent pas ĂȘtre considĂ©rĂ©s uniquement sous lâangle de leur vulnĂ©rabilitĂ©. Ils peuvent ainsi avoir conscience de la forme de don/contre don impliquĂ© par une situation dâenquĂȘte Skelton, 2008. De mĂȘme, ils peuvent avoir du plaisir Ă livrer leur point de vue Ă un adulte et Ă rĂ©flĂ©chir sur leurs pratiques. Au final, le positionnement Ă©thique du chercheur est fortement influencĂ© par le regard gĂ©nĂ©ral quâil porte sur lâenfance et lâadolescence Morrow, ibid. Si lâadolescent est considĂ©rĂ© uniquement sous lâangle de sa vulnĂ©rabilitĂ©, il nâest pas perçu comme compĂ©tent pour dĂ©terminer lâinfluence, positive ou nĂ©gative, quâaura pour lui la participation Ă une recherche. Au niveau dĂ©ontologique, lâimportant pour le chercheur est alors dâobtenir une autorisation dâenquĂȘter de la part des parents ou des institutions en charge de ces adolescents. Dâautres chercheurs postulent au contraire que les mineurs possĂšdent les compĂ©tences pour comprendre les tenants et aboutissants dâune recherche et peuvent donc accepter ou refuser dâeux-mĂȘmes leur participation Masson, 2004 ; Skelton, ibid. Si le chercheur doit sâassurer au maximum quâils comprennent les consĂ©quences de cette participation Ă court, moyen et long terme, le consentement des adolescents prime sur celui de leurs parents ou des institutions qui en ont la charge. Le chercheur ne peut donc se contenter de lâautorisation Ă©crite des parents ou des personnels institutionnels. Au contraire, il doit faire primer le droit des enfants Ă sâexprimer plutĂŽt que sa propre protection juridique vis-Ă -vis dâautres adultes. Par exemple, lorsque les adolescents sont en mesure de comprendre lâimpact de lâenquĂȘte sur leur vie, il est parfois plus Ă©thique dâagir en fonction du souhait de lâadolescent de donner son point de vue plutĂŽt que de solliciter lâaccord de parents qui pourraient sây opposer Where the child consents to participate the parentâs consent is not required ⊠where children can understand enough to distinguish research from other interventions and to understand the impact on them on participating, it may be more ethical to act on their consent than to require the fully informed consent of a parent. Such an approach gives children the maximum opportunity to have their views and experiences recorded and avoid the risk of exclusion of children whose parents would not respond to a request or would wish to control whom their child speaks to » Masson, ibid. Cette position est en adĂ©quation avec la Convention de 1989 de lâOrganisation des Nations Unies sur les droits de lâenfant, dont les articles 12 et 13 mettent en avant non seulement le droit de regard des enfants sur ce qui les concerne, mais Ă©galement celui dâexprimer leur point de vue sâils le dĂ©sirent Bell, 2008. Cette position commence peu Ă peu Ă se diffuser dans le champ des Ă©tudes françaises Danic et al, 2006. Elle est beaucoup plus rĂ©pandue parmi les recherches anglo-saxonnes sur les pratiques sociales des adolescents, notamment celles qui sont publiĂ©es dans la revue Childrenâs Geography et/ou celles qui sâinspirent de la Participatory Action Research » Hart, 1992. Dans cette mĂ©thode participative, les enquĂȘtĂ©s participent activement au processus de recherche, ils identifient avec le chercheur les problĂšmes de leur communautĂ©, ils choisissent les outils permettant de mieux comprendre ces problĂšmes et ils trouvent ensemble des solutions pour changer leur situation. Nous avons donc vu que prendre les adolescents comme objet de recherche posait un certain nombre de problĂšmes mĂ©thodologiques comment accĂ©der aux pratiques qui se dĂ©roulent en dehors des cadres institutionnels et dĂ©ontologiques comment faire comprendre aux adolescents ce que signifie de participer Ă une recherche, afin quâils puissent consentir, ou non, Ă y participer. Nous allons maintenant voir que la participation active des adolescents Ă la recherche permet de rĂ©soudre en partie ces diffĂ©rents problĂšmes. Quels sont les intĂ©rĂȘts dâune participation active des adolescents Ă la recherche ? Les ouvrages ou revues de langue anglaise citĂ©s prĂ©cĂ©demment contiennent de nombreuses pistes permettant de favoriser le consentement Ă©clairĂ© des adolescents. La principale innovation mĂ©thodologique proposĂ©e est alors dâencourager la participation active des adolescents enquĂȘtĂ©s dans la recherche. Cette participation est plus ou moins importante selon les recherches Hart, ibid. Dans sa forme la plus simple, elle passe par exemple par la prise de photographies, la rĂ©alisation de cartes mentales ou la rĂ©daction de textes par les enquĂȘtĂ©s. La participation est plus importante lorsquâun chercheur dĂ©finit un thĂšme gĂ©nĂ©ral de recherche avant de commencer son enquĂȘte, mais quâil implique ensuite les adolescents dans la construction des questions de recherche Fine et al, 2003, quâils les laissent juges du choix de la mĂ©thode la plus adĂ©quate Ă lâexpression de leur point de vue Skelton, ibid ou quâil les forme au recueil de donnĂ©es auprĂšs dâautres jeunes Alderson, 1995. Plus largement, des adolescents peuvent Ă©galement participer Ă la dĂ©finition des objectifs de la recherche en cours et faire partie de son comitĂ© de pilotage Hart, ibid alors que certains chercheurs dĂ©fendent mĂȘme lâidĂ©e dâune participation dâadolescents aux comitĂ©s dâĂ©thique des universitĂ©s Ă chaque Ă©valuation de projet incluant des enquĂȘtĂ©s mineurs Sime, ibid. Cette participation active des adolescents comporte de nombreux avantages Ă©thiques et scientifiques. La prise de photographies permet ainsi par exemple tout dâabord dâobtenir des informations sur des pratiques et des lieux non accessibles Ă un enquĂȘteur adulte. Elle offre Ă©galement lâavantage dâintĂ©grer Ă la recherche des adolescents Ă©prouvant des difficultĂ©s de verbalisation. Cette participation comporte aussi un aspect ludique, permettant dâentraĂźner lâadhĂ©sion dâadolescents ne souhaitant initialement pas se prĂȘter au jeu de lâentretien ou de lâobservation. Mais elle offre Ă©galement dâautres avantages, notamment celui dâinflĂ©chir les problĂ©matiques de recherche du sociologue tout au long de lâenquĂȘte en y intĂ©grant les capacitĂ©s rĂ©flexives des adolescents Sime, ibid. Les adolescents ne sont en effet pas des idiots culturels », sans aucun regard rĂ©flexif sur leurs pratiques Garfinkel, 1967. Cette participation active favorise Ă©galement la comprĂ©hension des adolescents sur les enjeux Ă©thiques dâune enquĂȘte sociologique, et Ă©claire en consĂ©quence leur consentement Ă participer Ă la recherche. Dans le champ français, ces mĂ©thodes de participation active des adolescents Ă la recherche ont Ă©tĂ©, Ă ma connaissance, mises en Ćuvre dans peu de travaux Dubet et Martucelli, 1996 ; Lepoutre, 2005. Ces travaux mettent en Ă©vidence dâautres avantages de cette participation que ceux Ă©noncĂ©s prĂ©cĂ©demment. Ils montrent tout dâabord comment il est possible dâarticuler objectifs pĂ©dagogiques et production de connaissances scientifiques dans le cadre de projets menĂ©s dans des Ă©tablissements scolaires Lepoutre, ibid. La recherche ne conduit alors pas seulement Ă la reconnaissance du travail du chercheur par ses pairs, mais donne Ă©galement naissance Ă un objet tangible un livre, une exposition⊠auquel les adolescents sont fiers dâavoir collaborĂ©. Cela libĂšre quelque part le chercheur de lâexamen de conscience sur lâutilitĂ© de sa recherche pour les adolescents ayant acceptĂ© dây participer. Ces travaux montrent Ă©galement quâil est nĂ©cessaire de laisser une place dans la recherche Ă la rĂ©flexivitĂ© des adolescents sur leurs pratiques. Le chercheur peut ainsi leur soumettre les interprĂ©tations quâil a tirĂ©es Ă leur Ă©gard, afin dâen amĂ©liorer la pertinence Dubet et Martucelli, ibid. La participation des adolescents Ă la recherche favorise ainsi, entre autres, leur consentement Ă©clairĂ©, elle permet lâaccĂšs Ă des pratiques peu accessibles Ă un enquĂȘteur adulte, elle peut entraĂźner lâadhĂ©sion de jeunes ne souhaitant pas initialement rĂ©pondre Ă des questions, elle Ă©vite de recueillir des discours trop formatĂ©s par les propos que les adolescents ont lâhabitude de tenir aux adultes⊠Une derniĂšre considĂ©ration gĂ©nĂ©rale explique lâintĂ©rĂȘt que jâai portĂ© Ă ces mĂ©thodes. Elles sont en adĂ©quation avec ma perspective thĂ©orique sur la mobilitĂ© des adolescents de ZUS. Dans leurs dĂ©placements, ces adolescents sont confrontĂ©s Ă des situations problĂ©matiques, notamment dans leurs interactions avec des citadins dont ils ne sont pas familiers. Ces Ă©preuves, mĂȘme les plus minimes, peuvent alors conduire Ă un retour rĂ©flexif de lâadolescent sur ses habitudes dâaction et Ă leur modification. Le retour des adolescents durant des entretiens sur les Ă©preuves quâils ont rencontrĂ©es dans leur mobilitĂ© nâest alors possible que sâils adoptent sur leurs pratiques un regard rĂ©flexif, ce qui est un des intĂ©rĂȘts de leur implication active dans la recherche. Pour conclure cette partie, soulignons que lâensemble des considĂ©rations dĂ©ontologiques soulevĂ©es jusquâĂ prĂ©sent ne sont pas totalement spĂ©cifiques aux adolescents. Tout chercheur qui Ă©tudie dans la durĂ©e un monde social est confrontĂ© Ă un moment ou un autre Ă ces considĂ©rations, notamment lorsquâil travaille sur un monde social dominĂ© Lepoutre, ibid. Nâest-il pas en train de trahir la confiance des enquĂȘtĂ©s ? Ne profite-il pas de leur confiance Ă des seuls fins de promotion acadĂ©mique, alors que le sort des enquĂȘtĂ©s ne sera pas modifiĂ© par cette recherche ? Les enquĂȘtĂ©s ont-ils conscience quâune partie de leurs pratiques, mĂȘme anonymisĂ©es, risquent dâĂȘtre portĂ©es sur la place publique ? Comment dĂ©terminer les pratiques quâil convient de rĂ©vĂ©ler ou au contraire de laisser dans lâombre pour ne pas nuire aux enquĂȘtĂ©s ? LĂ aussi, la comprĂ©hension par les enquĂȘtĂ©s de lâimplication de leur participation Ă la recherche est essentielle et elle ne peut pas se limiter Ă la signature dâun formulaire de consentement Ă participer. Les mĂ©thodes visant Ă favoriser la participation active des enquĂȘtĂ©s afin de rĂ©soudre, en partie, ces problĂšmes dĂ©ontologiques nâont dâailleurs pas seulement Ă©tĂ© mises en Ćuvre avec des mineurs. Citons par exemple, dans une perspective thĂ©orique proche de la mienne sur la mobilitĂ©, le projet quâI. Joseph menait sur la ligne de mĂ©tro 2 Ă Paris. Celui-ci souhaitait substituer Ă lâobservation participante traditionnelle une ethnographie participative » avec des itinĂ©raires commentĂ©s dâusagers du mĂ©tro, des auto-confrontations entre citadins ayant des conflits dâusage ainsi que des forums hybrides composĂ©s de gestionnaires et dâusagers Tonnelat, JolĂ© et Kornblum, 2007. Des projets autour de la mobilitĂ© menĂ©s dans huit Ă©tablissements scolaires Avant de prĂ©senter plus en dĂ©tail les projets que jâai menĂ©s dans des Ă©tablissements scolaires, il convient de rappeler quâils ont suivi chronologiquement une ethnographie dâun an avec de jeunes garçons 13-18 ans frĂ©quentant la maison de quartier dâune ZUS de grande couronne. Jây ai Ă©tĂ© confrontĂ© aux difficultĂ©s habituelles rencontrĂ©es par un ethnographe dans son travail de terrain avec des populations dĂ©favorisĂ©es. Il mâa fallu ainsi, classiquement, faire avec la distance sociale qui me sĂ©parait des jeunes afin dâacquĂ©rir un savoir ĂȘtre avec » les adolescents. Cette distance sociale Ă©tait Ă©galement redoublĂ©e par une distance gĂ©nĂ©rationnelle avec les adolescents, qui ne me percevaient ni comme un animateur, ni comme un chercheur, mais me situaient quelque part entre ces deux professions. La prĂ©sence quotidienne parmi ces jeunes, dans le quartier et dans les trains, lâaccompagnement de sorties, la rĂ©alisation de vingt entretiens ethnographiques mâont alors permis de recueillir un riche matĂ©riau dâinformation sur les pratiques de mobilitĂ© des adolescents du quartier. Elle mâa aidĂ© dâune part Ă mieux comprendre les interdĂ©pendances entre ancrage rĂ©sidentiel et pratiques de mobilitĂ© des adolescents, mais Ă©galement quâune des principales Ă©preuves que ces derniers affrontaient dans leurs mobilitĂ©s Ă©tait la confrontation aux autres citadins en raison du triple stigmate sociale, ethnique et gĂ©nĂ©rationnelle dont ils se sentent porteurs Oppenchaim, 2011. Je ressentais cependant une insatisfaction Ă©thique durant cette ethnographie. En effet, si la plupart des jeunes acceptaient de me faire partager en partie leur quotidien et de rĂ©pondre Ă mes questions, cela Ă©tait le plus souvent beaucoup plus dĂ» Ă une sympathie Ă mon Ă©gard quâĂ une rĂ©elle comprĂ©hension des enjeux et intĂ©rĂȘt de mon travail de recherche. TrĂšs peu dâadolescents comprenaient lâintĂ©rĂȘt de se pencher sur leurs pratiques de mobilitĂ©, la plupart y voyant malgrĂ© leur sympathie une maniĂšre dĂ©tournĂ©e des institutions de contrĂŽler leurs moments de libertĂ© hors du cadre des diffĂ©rentes institutions dans lesquelles ils sont insĂ©rĂ©s Ă©cole, travail social, policeâŠ.. Cette absence de comprĂ©hension me questionnait alors sur le sens de la dĂ©marche sociologique, notamment savoir pour qui on Ă©crit et dans quel but ? » Lepoutre, ibid. Cette question se pose gĂ©nĂ©ralement au moment de la restitution de la recherche et du recueil de gains symboliques de la part de lâenquĂȘteur. Elle ne cessait cependant de me tarauder au moment de lâenquĂȘte, ayant lâimpression de recevoir des histoires de vie singuliĂšre de la part de ces jeunes, sans rien leur apporter en retour. Câest alors cette insatisfaction qui a nourri mon intĂ©rĂȘt pour les mĂ©thodes favorisant lâimplication active des adolescents dans la recherche. Ces mĂ©thodes me semblaient dâautant plus intĂ©ressantes que certains adolescents de la maison de quartier dĂ©veloppaient une vraie rĂ©flexion sur leurs pratiques de mobilitĂ©. Un dâentre eux mâexpliqua ainsi un jour quâil avait plus tendance Ă frĂ©quenter ChĂątelet que les Champs ElysĂ©es, car malgrĂ© la prĂ©sence massive de policiers il y Ă©tait beaucoup moins contrĂŽlĂ©. InterrogĂ© sur les raisons de ces contrĂŽles plus nombreux aux Champs-ElysĂ©es, il les expliqua par la prĂ©sence plus importante de touristes, dĂ©finissant au contraire ChĂątelet comme un lieu de passage oĂč la prĂ©sence des jeunes Ă©tait plus tolĂ©rĂ©e. Or malgrĂ© tous mes efforts, il mâa Ă©tĂ© impossible dans le cadre de mon ethnographie de mettre en Ćuvre ces mĂ©thodes. Cela Ă©tait sans doute dĂ» Ă la spĂ©cificitĂ© de mon terrain dâĂ©tude, une maison de quartier considĂ©rĂ©e par les jeunes essentiellement comme un lieu de loisirs et de retrouvailles Ă lâĂ©cart des regards des personnes plus ĂągĂ©s du quartier. Jâai ainsi proposĂ© Ă certains jeunes avec lesquels jâavais dĂ©jĂ rĂ©alisĂ© un entretien classique de prendre des photographies durant leurs dĂ©placements puis de les commenter. La plupart me dĂ©claraient cependant avoir la flemme » et que cela leur rappelait trop le cadre scolaire. Cette difficultĂ© Ă mettre en Ćuvre ces mĂ©thodes Ă©tait Ă©galement renforcĂ©e par le turn-over des jeunes frĂ©quentant la maison de quartier, qui pour certains ne venaient que pour une heure ou de maniĂšre espacĂ©e dans le temps. Jâai alors complĂ©tĂ© cette ethnographie par des projets menĂ©s dans huit Ă©tablissements scolaires quatre classes de troisiĂšme, deux secondes professionnelles BEP vente et deux secondes gĂ©nĂ©rales. Ces projets articulaient trois dimensions dâune part, une initiation des Ă©lĂšves Ă la sociologie, sous la forme de la rĂ©alisation et de la passation dâun questionnaire Ă dâautres adolescents ; dâautre part la rĂ©alisation de textes et de photographies autour de leur mobilitĂ© ; enfin quatre-vingt quinze entretiens semi-directifs dâune heure, rĂ©alisĂ©s aprĂšs lâinitiation Ă la sociologie et donnant lieu dans la majoritĂ© des cas Ă une restitution collective de mon enquĂȘte devant lâensemble des Ă©lĂšves. Mener une recherche dans des Ă©tablissements scolaires suppose tout dâabord de nouer une relation de confiance Ă la fois avec les Ă©lĂšves et avec les professeurs. La construction de cette relation dans le cadre scolaire ne va pas de soi, car un nombre important des adolescents de ZUS entretient un rapport conflictuel avec lâinstitution scolaire. Le principal biais que je devais Ă©viter Ă©tait dâĂȘtre considĂ©rĂ© par les Ă©lĂšves comme un professeur, ou du moins dâĂȘtre assimilĂ© Ă lâinstitution scolaire. Chaque prise de contact avec les Ă©lĂšves comprenait ainsi une prĂ©sentation de la sociologie et de ma dĂ©marche de recherche, en prĂ©cisant bien que je nâappartenais pas institutionnellement Ă lâĂ©tablissement. Jâai alors cherchĂ© Ă casser le cadre scolaire de diffĂ©rentes maniĂšres en Ă©vacuant lâattente de la note câĂ©tait Ă chaque fois une des premiĂšres questions qui Ă©taient posĂ©es par les Ă©lĂšves ou par la possibilitĂ© de tutoiement et dâappellation par le prĂ©nom de maniĂšre rĂ©ciproque. Le fait dâĂȘtre un jeune chercheur ne partageant pas totalement les codes vestimentaires et de langage des professeurs a sans doute Ă©galement participĂ© Ă casser ce cadre scolaire tu nâas pas la voix clean comme un prof » me confia ainsi un jour un jeune lors dâun entretien. La familiarisation antĂ©rieure avec les codes, notamment de langage, des adolescents de ZUS lors de mon ethnographie mâa aussi sans doute aidĂ© Ă ne pas ĂȘtre perçu comme appartenant Ă lâinstitution scolaire. Casser ce cadre scolaire avait pour principal but de renforcer lâidĂ©e dâĂ©galitĂ© dans la construction de la recherche, les Ă©lĂšves mâapportant autant que je pouvais leur apporter, en particulier un projet allant Ă lâencontre de la routine scolaire. JâĂ©tais ainsi sans doute pour les Ă©lĂšves un objet aussi Ă©trange que jâavais pu lâĂȘtre pour les adolescents de la maison de quartier un intervenant extĂ©rieur qui nâest pas un professeur et nâen partage pas totalement les codes. Je ne dis pas que les Ă©lĂšves ne peuvent se confier aux professeurs, mais ne pas ĂȘtre identifiĂ© Ă une figure dâautoritĂ© mâa semblĂ© faciliter lâimplication des Ă©lĂšves. Il convient nĂ©anmoins de ne pas ĂȘtre naĂŻf comme nous le verrons ultĂ©rieurement, lâimplication plus ou moins importante de certains Ă©lĂšves dans le processus de recherche, notamment dans lâĂ©laboration de questionnaires, a pu ĂȘtre motivĂ©e en partie par la pression de leurs professeurs. Cette mise entre parenthĂšses temporaire du cadre scolaire lors de mes interventions Ă©tait tolĂ©rĂ©e par les professeurs dâHistoire-gĂ©ographie, de Français, de Vente ou dâArts Plastiques qui avaient acceptĂ© de travailler avec moi. Ces derniers devaient combiner les intĂ©rĂȘts de recherche du sociologue, lâadhĂ©sion des Ă©lĂšves, ainsi que leurs propres objectifs pĂ©dagogiques. Il sâagissait gĂ©nĂ©ralement, mĂȘme si cela est difficilement quantifiable, de professeurs dynamiques, atypiques pour certains, mais qui partageaient un bon relationnel avec les Ă©lĂšves. Au final, sans ĂȘtre totalement assimilĂ© par les adolescents Ă lâinstitution scolaire, jâai donc pu bĂ©nĂ©ficier des avantages que peut apporter un cadre scolaire par rapport Ă celui de la maison de quartier, notamment pouvoir mener des projets dans la durĂ©e en y impliquant activement les adolescents. Rappelons nĂ©anmoins quâil existe des degrĂ©s dans la participation des adolescents dans la recherche. Celle-ci peut aller de lâinformation des enquĂȘtĂ©s sur les objectifs et les consĂ©quences de lâenquĂȘte au choix par les adolescents du sujet Ă investiguer Hart, ibid. Or, les Ă©lĂšves nâont pas participĂ© directement au choix du thĂšme gĂ©nĂ©ral de ma recherche ou Ă celui des outils, mĂȘme sâils disposaient dâune grande marge dans les modalitĂ©s concrĂštes dâutilisation de ces outils thĂšmes Ă investiguer dans le questionnaire, libertĂ© dans la forme dâĂ©criture des textes, rendu des rĂ©sultats sous la forme dâune exposition ou dâun blog. Sur lâĂ©chelle de participation des enfants Ă la recherche Ă©laborĂ©e par R. Hart 1992 8, je me situe donc au sixiĂšme Ă©chelon sur huit le chercheur dĂ©cide du thĂšme gĂ©nĂ©ral, mais discute avec les enfants des meilleurs moyens de la mener. Lâimposition dâun thĂšme gĂ©nĂ©ral et la rĂ©alisation dâentretiens classiques Ă la fin des projets mâa cependant sans doute permis de ne pas ĂȘtre perçu par certains adolescents comme un simple animateur, ce qui a pu renforcer leur sĂ©rieux et leur implication dans les projets. La premiĂšre dimension de ces projets a Ă©tĂ© la rĂ©alisation de questionnaires par les Ă©lĂšves sur des thĂ©matiques propres Ă lâadolescence quâils avaient auparavant choisies les relations amoureuses et amicales entre adolescents, le rapport des adolescents Ă leur quartier et Ă la ville en gĂ©nĂ©ral, les adolescents et lâorganisation de leur temps. Les Ă©lĂšves ont ensuite distribuĂ© ces questionnaires Ă dâautres adolescents avant quâune restitution des rĂ©sultats ne leur soit faite en classe entiĂšre. Cette initiation Ă la sociologie a prĂ©sentĂ©e plusieurs avantages. Dâune part, elle a permis de faire comprendre aux Ă©lĂšves les enjeux dĂ©ontologiques et scientifiques dâune enquĂȘte. Ces derniers ont ainsi dĂ» expliquer Ă dâautres adolescents, quâils nâavaient parfois jamais vus, que des rĂ©ponses personnelles, par exemple sur leur sexualitĂ©, Ă©taient anonymes et donneraient lieu Ă une restitution en classe, sans que leur nom soit rĂ©vĂ©lĂ©. Ils ont Ă©galement dĂ» faire comprendre Ă ces adolescents en quoi leurs rĂ©ponses prĂ©sentaient un intĂ©rĂȘt de recherche. Les Ă©lĂšves ont ainsi pu saisir en pratique ce quâimpliquait de se prĂȘter Ă une enquĂȘte sociologique. Cette initiation offrait Ă©galement des avantages sur le plan scientifique. Si les thĂšmes des questionnaires Ă©taient divers, ils posaient en filigrane des questions propres Ă ma recherche, en particulier les disparitĂ©s entre filles et garçons sur les horaires de sortie. La restitution des rĂ©sultats des questionnaires en classe entiĂšre a ainsi donnĂ© lieu Ă des discussions trĂšs fournies et a obligĂ© les Ă©lĂšves Ă rĂ©flĂ©chir et Ă argumenter sur certaines spĂ©cificitĂ©s de leurs pratiques. Elle a Ă©galement permis de libĂ©rer la parole de certains jeunes et de prĂ©parer ainsi les entretiens individuels qui ont suivi. Le cĂŽtĂ© ludique de la rĂ©alisation et de la passation des questionnaires a Ă©galement pu contribuer Ă crĂ©er une relation de confiance avec les adolescents et Ă favoriser leur participation ultĂ©rieure Ă ces entretiens. Enfin, dans certains projets il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© que les Ă©lĂšves ne distribueraient pas seulement le questionnaire aux adolescents de leur quartier mais Ă©galement de maniĂšre collective Ă la sortie de grands lycĂ©es du centre de Paris. Cela avait pour premier avantage de faire rĂ©flĂ©chir les Ă©lĂšves sur les disparitĂ©s entre adolescents banlieusards et parisiens. Plus largement, cela donnait lâoccasion Ă certains Ă©lĂšves qui ne sây Ă©taient jamais rendus, de frĂ©quenter les quartiers centraux de Paris. Ils Ă©taient ainsi confrontĂ©s, lors de la distribution en tĂȘte Ă tĂȘte des questionnaires, Ă lâaltĂ©ritĂ© dâadolescents dâun autre milieu social. Une partie des Ă©lĂšves se rendaient ainsi initialement Ă contrecĆur Ă Paris, ayant peur que personne nâaccepte de rĂ©pondre Ă leurs questions. Sâils avaient au dĂ©but faiblement confiance en eux, ils se sont rendus peu Ă peu compte quâils pouvaient rĂ©ussir Ă obtenir lâattention des adolescents parisiens, le statut dâenquĂȘteur permettant par ailleurs de suspendre le temps dâune interaction le stigmate social dont une partie se sentait porteuse. Lien de cause Ă effet ou non, ces Ă©lĂšves ont Ă©tĂ© ensuite beaucoup plus nombreux que la moyenne Ă effectuer leur stage professionnalisant dans Paris intra-muros. Le but premier de la recherche Ă©tait la production de connaissance, et non de faire Ă©voluer, mĂȘme Ă la marge, les compĂ©tences de mobilitĂ© des Ă©lĂšves. NĂ©anmoins, cette distribution du questionnaire dans Paris, ainsi que lâenthousiasme dâune majoritĂ© des Ă©lĂšves pour les projets, offrait Ă©galement lâavantage dâapaiser mes interrogations sur lâutilitĂ© immĂ©diate de ma recherche. ParallĂšlement ou aprĂšs cette initiation Ă la sociologie, les Ă©lĂšves menaient Ă©galement des travaux dâĂ©criture et photographique sur le thĂšme de la ville et des mobilitĂ©s. Ces travaux permettaient de prĂ©parer les entretiens ultĂ©rieurs en donnant un cĂŽtĂ© ludique Ă la recherche, en renforçant ou en crĂ©ant une relation de confiance avec les adolescents et en favorisant le retour rĂ©flexif sur leurs pratiques. Ils donnaient Ă©galement des informations directes sur les pratiques de mobilitĂ© de ces adolescents. La prise de photographies des Ă©lĂšves sur leurs mobilitĂ©s a Ă©tĂ© faite selon deux grandes modalitĂ©s, en raison de diffĂ©rentes contraintes financiĂšres. Lorsque jâai rĂ©ussi Ă obtenir des financements, du Conseil DĂ©partemental de Seine Saint Denis ou des classes APAC du rectorat, les Ă©lĂšves Ă©taient accompagnĂ©s par un photographe professionnel durant une aprĂšs-midi. En lâabsence de financement, les Ă©lĂšves prenaient eux-mĂȘmes des photographies sur leur quartier ou les lieux frĂ©quentĂ©s durant leur mobilitĂ©, Ă lâaide dâappareils jetables distribuĂ©s ou le plus souvent avec leur propre appareil ou tĂ©lĂ©phone portable. Ces photographies permettaient dâintĂ©grer de maniĂšre ludique des adolescents pouvant avoir des difficultĂ©s ou une rĂ©ticence initiales Ă verbaliser leurs pratiques. La prĂ©sence du photographe professionnel prĂ©sentait lâavantage supplĂ©mentaire de permettre une initiation Ă la photographie, ainsi quâune familiarisation Ă certains lieux quâils ne connaissaient pas, les dĂ©placements se faisant le plus souvent par groupe de trois. Au niveau scientifique, ces dĂ©placements ont permis un retour rĂ©flexif des jeunes sur les lieux quâils frĂ©quentent, ces derniers explicitant durant le trajet pourquoi ils choisissaient ce lieu, ce quâil leur Ă©voquait, pourquoi ils insistaient sur tel aspect dans leur prise de vue, etc. Ils me permettaient Ă©galement de renforcer la relation de confiance avec les jeunes et de pouvoir ensuite faire un retour approfondi sur les lieux photographiĂ©s durant lâentretien individuel. Figure 1 Photographie et texte dâun Ă©lĂšve de troisiĂšme gĂ©nĂ©rale avril 2009 Ces prises de photographies ont Ă©tĂ© complĂ©tĂ©es par un travail dâĂ©criture des Ă©lĂšves, soit directement Ă partir des clichĂ©s, soit en sâappuyant sur des descriptions urbaines dâĂ©crivains. Je craignais que cette dimension du projet soit perçue comme trop scolaire, mais elle a recueilli lâadhĂ©sion de la majoritĂ©. Cela sâexplique sans doute par la libertĂ© de forme dont ils disposaient pour dĂ©crire leur quartier et leur rapport Ă la ville Ă©criture de slams, de poĂšmes, description neutre du quartier de rĂ©sidence ou des lieux frĂ©quentĂ©s en sâinspirant des Ćuvres de Georges PĂ©rec dans EspĂšces dâespaces. Jâai choisi, en commun avec les professeurs de Français, ce livre comme support dâaide aux Ă©lĂšves pour dĂ©crire leur quartier, car il contient de nombreux passages qui fournissent un mode dâemploi des descriptions sociologiques sur la ville Becker, 2010. Figure 2 Texte dâun Ă©lĂšve de seconde gĂ©nĂ©rale mars 2009 Ma rue,âŠ, je dois parler de ma rue⊠trĂšs bien. Comment ? Le plus platement possible, dâaccord, jâme lance. Tout dâabord je nâai pas vraiment de rue. Câest plutĂŽt un grand bĂątiment donnant sur un parking. Sur ce parking de 34 places, une quarantaine de voitures sont stationnĂ©es. Il est 19 heures, tout est normal comme dâhabitude. Du haut de mes 15 Ă©tages je peux apercevoir une grosse flaque dâhuile se dĂ©versant dâune voiture sans roue, les restes dâune voiture brĂ»lĂ©e volontairement dâun acte criminel. De chez moi, je peux voir pratiquement tout le Bois Saint Denis, lâaĂ©roport Charles de Gaulle et ses trois terminaux ses trois tours de contrĂŽle et ses quelques 500 vols par jour, une bonne partie du centre-ville et son brouhaha, lâenseigne de Leroy Merlin » de Livry Gargan clignotant toutes les trois secondes et demie, et le phare de Paris, lâĆil de Paris brillant de mille feux Ă la tombĂ©e de la nuit, tournoyant et mâĂ©blouissant Ă vingt quatre secondes dâintervalle. En bas, devant mon hall, on peut entendre un jeune murmurer Ă un vieillard Jâte donne une dix ». Le vieux rĂ©pondit Non, je, jeâŠje veux une trente ! ». Ah nan ici, câest moi qui choisis, jâte passe une dix ! Un point câest tout ! ». TrĂšs bien tu as gagnĂ©, donne moi une ». Ou bien un autre, encore plus jeune, essayant de suivre les paroles, incomprĂ©hensibles pour lui, dâun rappeur amĂ©ricain quâil a soigneusement tĂ©lĂ©chargĂ©es illĂ©galement et mis sur son I-Pod vidĂ©o troisiĂšme gĂ©nĂ©ration huit gigas, quâil a volĂ© Ă un pauvre homme dans le RER il sâen vante tous les jours. Sur le mur qui fait face au parking, on remarque que le numĂ©ro de mon immeuble est le quatre-vingt treize ou plutĂŽt le trois avec, peint Ă la peinture blanche, un neuf devant, pour rendre le bĂątiment plus beau. Câest bien, câest crĂ©atif, comme quoi avec peu on peut faire beaucoup. Sur le mur de la gauche, un petit dĂ©gradĂ© de couleurs qui devient de plus en plus foncĂ©. Câest le jeune qui Ă©coutait du rap US » qui vient dâarriver ici. Il nâhabite pas dans ce bĂątiment, mais il y reste jour et nuit et il nâa aucune honte ou pudeur. Ah ! Je viens de voir un petit garçon seul qui a failli se faire renverser par une Renault 25 qui voulait se garer. Le petit courait derriĂšre son ballon NĂ©mo en pleurant car il avait Ă©tĂ© percĂ© par le chien dâun jeune qui, faisant des tractions Ă lâarrĂȘt de bus frime avec ses muscles et ses deux bĂ©bĂ©s Rottweiler. Les deux Rottweilers ont les oreilles et la queue coupĂ©es aux ciseaux par leur maĂźtre, car comme ces chiens font des combats, il vaut mieux quâelles soient coupĂ©es, car si, lors dâun combat, lâun dâeux perd une oreille, ce pourrait ĂȘtre trĂšs embĂȘtant et humiliant pour le maĂźtre. Une bande dâadolescents, sĂ»rement collĂ©giens, avec leurs cartables imbibĂ©s de Tipex, viennent de passer dire bonjour aux jeunes postĂ©s devant mon bĂątiment, ils prennent sur eux alors quâil ne le faut pas ! AprĂšs les avoir saluĂ©s, ils reprennent leur balade avec ce quâils appellent une dĂ©gaine. Jâappelle ça boiter mais câest leur choix. Ils rencontrent deux jeunes demoiselles fashion », les adolescents se ruent sur elles comme sâils avaient aperçus leur idole. Certains leur font la bise et dâautres leur serrent la main pour montrer leur indiffĂ©rence. Ils partent ensemble sur le cĂŽtĂ© du bĂątiment que je ne peux pas observer. Je ferme la fenĂȘtre de ma cuisine dâoĂč je vous dĂ©cris mon environnement quotidien, grĂące Ă des jumelles que jâai utilisĂ©es pour plus de prĂ©cision. La fermeture de cette fenĂȘtre permet une coupure entre le bruit assourdissant des klaxons du 619 et le calme rĂ©gnant dans ma maison. JâespĂšre que cette description vous a permis de plonger au cĆur de ma rue. Comme pour les photographies, ces textes me servaient de support aux entretiens ultĂ©rieurs, avec lesquels ils entraient bien souvent en cohĂ©rence. Ils tĂ©moignaient ainsi avec finesse de diffĂ©rents rapports entretenus au quartier de rĂ©sidence, parfois mieux dĂ©crits dans les rĂ©cits des jeunes que dans leurs propos. Lâensemble des textes et photographies rĂ©alisĂ©s, couplĂ© aux rĂ©sultats des questionnaires, ont ensuite donnĂ© lieu Ă des opĂ©rations de valorisation, afin que les Ă©lĂšves puissent voir le rĂ©sultat de leur travail. Il leur Ă©tait ainsi demandĂ©, le plus souvent au dĂ©but des projets, le mode de restitution de leur travail ayant leur prĂ©fĂ©rence. Cette restitution a alors prise diffĂ©rentes formes mise en place dâun blog, expositions dans les halls des Ă©tablissements, au centre de documentation ou lors de journĂ©es portes ouvertes, rĂ©alisation dâun petit livret financĂ© par le Conseil gĂ©nĂ©ral de Seine Saint Denis⊠A la suite de la rĂ©alisation des questionnaires, textes et photographies, des entretiens individuels dâune heure Ă©taient proposĂ©s. Il avait Ă©tĂ© bien expliquĂ© que ces entretiens nâĂ©taient pas obligatoires, bien quâils aient lieu le plus souvent durant les heures de cours et dans lâenceinte des Ă©tablissements. La quasi-totalitĂ© des Ă©lĂšves ont acceptĂ© de se prĂȘter au jeu, en raison sans doute de la bonne rĂ©ception du projet dans son ensemble la majoritĂ© des Ă©lĂšves se montra ainsi enthousiaste Ă lâĂ©gard dâactivitĂ©s qui sortaient du cadre scolaire habituel, y compris les Ă©lĂšves en difficultĂ© et ayant un rapport compliquĂ© Ă lâinstitution scolaire. Cela sâexplique sans doute en partie par le fait que les mobilitĂ©s ne soient pas un sujet trop intime, les Ă©lĂšves pouvant parler de ce thĂšme entre eux. Il nâest ainsi pas certain que de tels projets aient pu ĂȘtre menĂ©s sur le thĂšme de la sexualitĂ©. NĂ©anmoins, une minoritĂ© dâĂ©lĂšves sont restĂ©s en retrait, ne manifestant au contraire de leurs camarades aucun enthousiasme. Il sâagissait principalement dâĂ©lĂšves introvertis ou avec une frĂ©quentation trĂšs Ă©pisodique des Ă©tablissements scolaires. Ces derniers ont certes acceptĂ© ensuite le principe dâun entretien, mais ils me confiĂšrent ensuite que leur motivation principale Ă©tait de manquer des heures de cours. Je nâai pas sollicitĂ© une autorisation des parents pour la rĂ©alisation de ces entretiens, pour les raisons exposĂ©es au dĂ©but de cet article. Lâabsence dâautorisation me semblait dâautant moins problĂ©matique au niveau dĂ©ontologique, que les entretiens Ă©taient rĂ©alisĂ©s aprĂšs que la rĂ©alisation et passation des questionnaires aient fait comprendre aux Ă©lĂšves ce que signifiait de participer Ă une enquĂȘte de sociologie. Le principe de lâenregistrement ayant Ă©tĂ© toujours acceptĂ© Ă trois exceptions prĂšs, une version sur CD Ă©tait remise au jeune quelques jours aprĂšs la rĂ©alisation de lâentretien, Ă la demande initiale dâune grande partie des Ă©lĂšves. Jâai Ă©galement interrogĂ© systĂ©matiquement les adolescents Ă la fin de lâentretien sur leur ressenti, la plupart me confiant Ă cette occasion leur satisfaction. Plusieurs dâentre eux me dĂ©clarĂšrent que cet entretien leur avait permis de mieux comprendre que la mobilitĂ© nâĂ©tait pas innĂ©e et quâils avaient dĂ» apprendre Ă se confronter Ă lâaltĂ©ritĂ©. Il sâagissait nĂ©anmoins essentiellement dâadolescents ayant des pratiques de mobilitĂ© spĂ©cifiques, trĂšs fortement tournĂ©es vers la flĂąnerie urbaine. Dâautres, plus rares, me confiĂšrent leur impression dâavoir expĂ©rimentĂ© une sĂ©ance de psy » leur ayant permis de mieux se connaĂźtre, confirmant ainsi que lâentretien avait permis un retour rĂ©flexif sur les pratiques. Enfin, une partie des Ă©lĂšves ayant peu lâoccasion de se dĂ©placer en dehors de leur quartier souligna que cela leur avait fait du bien de parler des problĂšmes de leur vie quotidienne Ă un intervenant extĂ©rieur. Ce questionnement immĂ©diat sur leur ressenti nâĂ©tait pas la seule occasion dâĂ©change avec les Ă©lĂšves sur les entretiens. En effet, une fois les entretiens rĂ©alisĂ©s avec lâensemble des volontaires, une sĂ©ance de restitution Ă©tait organisĂ©e en classe entiĂšre, suivie dâun dĂ©bat sur les principaux rĂ©sultats obtenus. Cette restitution Ă©tait guidĂ©e Ă lâorigine par des considĂ©rations dĂ©ontologiques. Elle eut nĂ©anmoins des rĂ©percussions importantes au niveau des rĂ©sultats scientifiques de ma recherche, en particulier sur la typologie des jeunes que jâavais effectuĂ©e en fonction de leurs pratiques de mobilitĂ©. Des jeunes, issus de diffĂ©rents Ă©tablissements scolaires, sont venus ainsi me confier Ă la fin de la restitution quâils comprenaient ma typologie mais quâils se reconnaissaient en partie dans deux catĂ©gories. Ces remarques mâincitĂšrent Ă porter une attention plus soutenue aux processus dâapprentissage et de socialisation multiple des adolescents. Elles me permirent ainsi de complexifier mon approche initiale trop statique et rigoriste de la typologie. Conclusion La mĂ©thode que je viens dâexposer dâune co-construction dâune recherche avec des adolescents possĂšde donc des avantages Ă©thiques et scientifiques. Elle Ă©tait en tout cas adaptĂ©e Ă mon objet de recherche consistant Ă mieux comprendre les diffĂ©rentes Ă©preuves auxquelles sont confrontĂ©s les adolescents de ZUS durant leurs mobilitĂ©s. Elle ne prend sens quâen complĂ©mentaritĂ© avec les autres matĂ©riaux ethnographiques et statistiques recueillis. Ces diffĂ©rentes mĂ©thodes sâĂ©clairent mutuellement et soulĂšvent chacune des difficultĂ©s Ă©thiques et scientifiques propres. Jâai cependant tirĂ© deux enseignements majeurs de cette mĂ©thode relativement originale consistant Ă faire des adolescents des partenaires de recherche et non un simple objet dâĂ©tude. Dâune part, les dimensions Ă©thiques et scientifiques dâune recherche sur les adolescents ne sont guĂšre dissociables, la mĂ©thode de collecte de donnĂ©es influant fortement sur le matĂ©riau recueilli. Dâautre part, les adolescents sont sans nul doute compĂ©tents pour interprĂ©ter ce que la sociologie dit Ă leur propos. Ils ne sont ainsi pas les simples rĂ©ceptacles dâune socialisation familiale ou dans lâapprentissage de normes comme on les prĂ©sente souvent, mais Ă©galement des acteurs capables et souvent dĂ©sireux dâavoir un regard rĂ©flexif sur leurs pratiques. Bibliographie ALDERSON P. 1995 Listening to Children Children, Ethics and Social Research, Londres, Barnardoâs, 130p. BECKER H. 2010 Comment parler de la sociĂ©tĂ© ? Artistes, Ă©crivains, chercheurs et reprĂ©sentations sociales, Paris, La DĂ©couverte, 320p. BELL N. 2008 Ethics in child research rights, reason and responsibilities », Childrenâs Geographies, 6/1, BREVIGLIERI M. 2007 Ouvrir le monde en personne. Une anthropologie des adolescences », in Breviglieri M., Cicchelli V., Adolescences mĂ©diterranĂ©ennes. Lâespace public Ă petit pas, Paris, LâHarmattan, DANIC I., DELALANDE J., RAYOU P. 2006, EnquĂȘter auprĂšs dâenfants et de jeunes. Objets, mĂ©thodes et terrains de recherche en sciences sociales, Rennes, PUR, 216p. DUBET F., MARTUCELLI D. 1996 A lâĂ©cole. Sociologie de lâexpĂ©rience scolaire, Paris, Seuil. FINE M., FREUDENBERG N., PAYNE A., PERKINS T., SMITH K., WANZER, K. 2003 Anything Can Happen with Police Around Urban Youth Evaluate Strategies of Surveillance in Public Places», Journal of Social Issues, 59, FIRDION J-M., MARPSAT M., BOZON M. 1995, Est-il lĂ©gitime de mener des enquĂȘtes statistiques auprĂšs des sans-domicile ? Une question Ă©thique et scientifique », Revue française des affaires sociales, 2-3, GARFINKEL H. 1967 Studies in Ethnomethodology, Cambridge, Polity Press, 288p. HART, R. 1992 Childrenâs Participation from tokenism to citizenship, Florence, UNICEF International Child Development Centre, 44p . KOKOREFF M. 1998 MobilitĂ©s et polarisations des jeunes dans la ville », in Haumont N. dir., Lâurbain dans tous ses Ă©tats. Faire, vivre et dire la ville, Paris, LâHarmattan, LEPOUTRE D. 2005 Souvenirs de familles immigrĂ©es, Paris, Odile Jacob, 377p. MASSON J. 2004 The legal context», in Fraser S. dir., Doing Research with Children and Young People, Londres, Sage, MORROW V. 2008 Ethical dilemmas in research with children and young people about their social environments », Childrenâs Geographies, 6/1, OPPENCHAIM N. 2009 MobilitĂ©s quotidiennes et sĂ©grĂ©gation le cas des adolescents de Zones Urbaines Sensibles franciliennes », Espace populations sociĂ©tĂ©s, 2, OPPENCHAIM N. 2011 Les adolescents de catĂ©gories populaires ont-ils des pratiques de mobilitĂ©s quotidiennes spĂ©cifiques ? Le cas des zones urbaines sensibles franciliennes », Recherche Transports SĂ©curitĂ©, 27/2, SIME D. 2008 Ethical and methodological issues in engaging young people living in poverty with participatory research methods», Childrenâs Geography, 6/1, SKELTON T. 2008 Research with children and young people exploring the tensions between ethics, competence and participation », Childrenâs Geographies, 6/1, VASSY C., KELLER R. 2008 Faut-il contrĂŽler les aspects Ă©thiques de la recherche en sciences sociales, et comment ? », Mouvements, 55-56, TONNELAT S., JOLE M., KORNBLUM W. 2007 Vers une ethnographie participative », in CEFAĂ D., SATURNO C. dir, Isaac Joseph. ItinĂ©raire dâun pragmatiste, Paris, Economica, ZAFFRAN J. 2010 Le temps de lâadolescence â Entre contrainte et libertĂ©, Rennes, PUR.RelationambiguĂ« collegue. Tout d'abord, je tenais Ă dire que cela fait un moment que je lis ce forum que je trouve trĂšs intĂ©ressant, avec des remarques souvent pertinente. C'est pour ça que je viens ici, car je suis en dĂ©tresse face Ă une situation compliquĂ©e. J'aimerais bcp avoir vos avis. Nouveau dans une petite entreprise, j'ai tout 403 ERROR The Amazon CloudFront distribution is configured to block access from your country. We can't connect to the server for this app or website at this time. There might be too much traffic or a configuration error. Try again later, or contact the app or website owner. If you provide content to customers through CloudFront, you can find steps to troubleshoot and help prevent this error by reviewing the CloudFront documentation. Generated by cloudfront CloudFront Request ID MVaNwUWchXMEFF5NMZZrzlViPSCBrv6EZe7BG6xBHvwQ7AFsv3Z5Yg== Jai testĂ© les deux, vouvoiement et tutoiement, et je prĂ©fĂšre finalement le tutoiement (sauf dans le cadre d'un examen). Il me semble que dans les formations concernant la gestion de classe de collĂšgues en difficultĂ©, on leur conseille le vouvoiement pour mettre une distance et asseoir leur autoritĂ©, mais ce n'est pas une formule magique.
Sile tutoiement nâest pas rĂ©ellement un problĂšme dans certains pays, cela est loin dâĂȘtre le cas pour dâautres. En rĂ©alitĂ©, le fait de tutoyer ses collĂšgues crĂ©e une relation de confiance, ce qui permet Ă lâemployĂ© de pouvoir sâintĂ©grer et sâadapter Ă son nouvel environnement avec succĂšs. Il sâagit en quelque sorte dâun mode de communication amical, favorable Ă la
Cet article a Ă©tĂ© publiĂ© il y a 7 ans 4 mois 24 jours, il est donc possible quâil ne soit plus Ă jour. Les informations proposĂ©es sont donc peut-ĂȘtre expirĂ©es, les commandes ne sont peut-ĂȘtre plus un dĂ©bat bien français, puisque presque exclusif Ă la langue française, que je rumine dans ma tĂȘte suite Ă deux Ă©vĂšnements lâentrĂ©e en vigueur des nouvelles rĂšgles pour la Police Nationale et jâinsiste sur les majuscules, merci maitre Eolas, et ma rĂ©cente prise de contact avec un potentiel futur employeur. Jâexplique. Je tiens Ă dire que je ne suis ni linguiste, ni expert, je ne suis quâune personne bizarre qui a appris Ă aimer la langue française aprĂšs ĂȘtre sorti de lâĂ©cole », et qui apprĂ©cie un peu plus chaque jour ses subtilitĂ©s, et dĂ©plore Ă quel point elle souffre avec les nouvelles gĂ©nĂ©rations. Tutoyer, vouvoyer. GĂ©nĂ©ralement, on vouvoie une personne adulte quâon ne connaĂźt pas, ou qui, dans le cadre de lâentreprise par exemple, est bien plus haut perchĂ© dans lâorganigramme. A mettre sur le compte de la politesse. On tutoie un enfant, un ami, un membre de la famille. Justement, on parle de familiaritĂ©. Je vous laisse regarder dans le dictionnaire, vous comprendrez mieux. Bien, mais toutes ces conventions sont transmises par notre Ă©ducation, qui se fait avant tout dans le monde physique. Dans le monde numĂ©rique cependant, il nâest pas rare de tutoyer le premier inconnu venu sur un forum, un rĂ©seau social, les commentaires dâun blog, bref, tout espace dâĂ©change. Souvent, tutoyer quelquâun quâon ne connaĂźt pas est pris comme une agression, un manque de respect, du moins dans le monde physique. Mais est-ce pour autant vrai, alors que le numĂ©rique, qui nous prend une part de notre temps de plus en plus importante, nous pousse Ă modifier nos conventions, jusque dans le monde physique ? Avant de rĂ©pondre plus avant sur le cas français, jâaimerais faire un rapide Ă©tat des lieux, et des parallĂšles avec notre belle langue que jâaffectionne. Tutoyer nâexiste pas en anglais, le you » signifie indiffĂ©remment tu » et vous », singulier et pluriel. Ou plutĂŽt devrais-je dire il nâexiste plus, car en vieil anglois, le pronom Thou » Ă©tait souvent utilisĂ© dans ce cadre. Les espagnols et les italiens ont un pronom dĂ©diĂ© Usted et Lei respectivement, quâils conjuguent Ă la troisiĂšme personne du singulier. Ătonnant quand on sait que certaines personnes, par politesse le sujet de dĂ©part, sâadresseront Ă vous Ă la troisiĂšme personne Comment il va ? » vous demandera une personne probablement dâun certain age, pour ne pas dire dâun age certain. Si je ne dis pas de bĂȘtise, les allemands utilisent la troisiĂšme personne du pluriel. Pour les autres langues, je vous laisse lire la fiche Wikipedia qui va bien. Dâailleurs, il est courant pour une personne, typiquement anglophone de naissance, de se mettre Ă vous tutoyer naturellement, car elle apprendra dâabord que you » se traduit tu ». Rien dâirrespectueux, dâimpoli, juste une maladresse de traduction. Nos cerveaux sont joueurs. Et ce nâest pas limitĂ© aux anglophones, jâai eu lâoccasion de travailler avec des suĂ©dois, des thaĂŻlandais, et tous ont du mal Ă saisir ce vouvoiement les premiers temps. Tout le monde pourra regarder ce quâil fait, aussi bien dans le numĂ©rique que dans le physique, et quand je vais dĂ©crire mon cas, jâespĂšre que vous serez surpris. Sur Twitter, je vais probablement tutoyer directement des personnes comme Korben ou Bluetouff, mais je vais vouvoyer Bernard pivot. Je nâai pourtant pas moins de respect pour les premiers que pour le dernier. Je ne cherche pas non plus une plus grande familiaritĂ© pour les uns, ou plus de politesse que les autres. En fait je ne me suis jamais posĂ© la question. Plus Ă©trange, si un jour je viens Ă les rencontrer physiquement au dĂ©tour dâune convention par exemple, je les vouvoierais probablement. Sur un forum, rares sont les fois oĂč je vouvoie une personne, sauf si cette personne commence par me vouvoyer. Parce quâau-delĂ de garder un mĂȘme niveau de dialogue, si la personne cherche par le vouvoiement Ă me montrer du respect, de la politesse, il est tout naturel et presque obligatoire de rendre ce respect, cette politesse. Pourtant, quand je tutoie dâentrĂ©e, rien dans mon esprit ni dans mes mots ne cherche Ă tĂ©moigner un manque de respect. Je parlais de contact pour un futur emploi, et la personne, qui est pourtant pratiquement tout en haut de lâĂ©chelle de lâentreprise avec laquelle jâai Ă©tĂ© mise en contact. Et cette personne mâa adressĂ© la parole directement en me tutoyant, et jâai rĂ©pondu en vouvoyant. En suis-je offensĂ© pour autant ? Non, car il y a quelque chose de vital le contexte. Câest trĂšs vaste comme concept, car le contexte peut aussi bien dĂ©signer la forme du tutoiement, quand il est Ă©crit, le ton quand la discussion est orale, les gestes quand il y en a, lâinfluence de la hiĂ©rarchie pour reprendre mon cadre de lâentreprise. Revenons aux Ă©volutions amenĂ©es par le numĂ©rique, et en particulier Twitter. Pourquoi ? Le relatif anonymat procurĂ© par les espaces en ligne introduit une forme de familiaritĂ©, car tout le monde peut ĂȘtre nâimporte qui. Et le nombre de caractĂšres pousse Ă aller Ă lâessentiel. Il est donc courant de se tutoyer tout en Ă©tant de parfaits inconnus. Faut-il penser que les Twittos sont donc dĂ©nuĂ©s des notions de respect et de politesse ? Non, car comme jâai dit, le contexte de lâanonymat et de la contrainte des messages limitĂ©s en taille pousse Ă ce comportement. Il ne faut donc par dĂ©faut jamais se sentir attaquĂ© par un tutoiement. Je ne dis pas que tu vas bien ? » et tâes un gros con » doit ĂȘtre traitĂ© de la mĂȘme maniĂšre, lĂ , on touche simplement au contenu, plus au contexte. Pour reprendre le sujet, si le premier contact peut paraĂźtre trĂšs familier dans le contexte dâun recrutement, les messages par mail, eux, sont plus reprĂ©sentatifs dâun tutoiement qui peut ĂȘtre respectueux. Dans un mail, on a la place de dire bonjour, de dire bon weekend, il est donc plus facile dâĂȘtre Ă lâaise quand on vous tutoie. Pour en revenir au monde physique, je vous invite Ă vous rendre dans un restaurant dit routier, et Ă©couter les conversations. Vous verrez que souvent, tout le monde se tutoie, alors mĂȘme que personne ne se connaĂźt. Je suis magasinier de formation, et moi-mĂȘme je me suis pris Ă tutoyer des camionneurs Ă peine rencontrĂ©s, quand jâai mis plusieurs mois Ă tutoyer certains collaborateurs avec qui je discutais pourtant tous les jours. Ai-je pourtant moins de respect pour les uns que les autres ? Ai-je lâintention dâĂȘtre moins poli ? Non, dans ce contexte, tutoyer permet dâinstaller une forme de familiaritĂ© qui permet de se sentir Ă lâaise, et rend les Ă©changes plus simples, plus fluides, plus efficaces. Un sentiment quâon pourrait traduire sur les rĂ©seaux sociaux par on est une grande famille dâinternautes ». Encore quâĂȘtre internaute implique bien plus que de se balader sur Facebook ça câest surfer sur un seul site web, un internaute, câest bien plus que ça. Mais je digresse. Doit-on donc se laisser tutoyer Ă tout bout de champ plus souvent dans le monde physique quâauparavant ? Non, mĂȘme si les policiers rĂąlent comme des gamins Ă qui on confisque un jouet plus sur le matricule il est vrai, nous avons cette distinction de respect, de politesse, et de dignitĂ© quâest le vouvoiement, et je pense que tout le monde devrait au moins sâen souvenir, voir lâapprendre pour les plus demeurĂ©s. Non pas quâil soit dĂ©placĂ© par la suite de tutoyer une personne quâon connaĂźt Ă peine, mais lĂ encore il convient dâanalyser le contexte avant de prendre sa dĂ©cision. Vous ne me connaissez pas, si vous me tutoyez tout en restant correct, je nâaurais aucun problĂšme. Mais dâautres le prendront peut-ĂȘtre mal, avec pourtant la mĂȘme me suis senti agressĂ© par des policiers qui nâont pas hĂ©sitĂ© Ă me tutoyer dâemblĂ©e, quand des gendarmes ayant les mĂȘme besoins se sont adressĂ©s Ă moi en me vouvoyant, me laissant une bien meilleure impression. Vouvoyer permet souvent, du moins dans nos contrĂ©es avec lâĂ©ducation quâon reçoit gĂ©nĂ©ralement, de ne blesser personne quand bien mĂȘme câest involontaire. Ceci dit si lâon vous tutoie, rĂ©flĂ©chissez un peu avant de prendre ça pour une attaque. Nous avons tous la chance de disposer de cette nuance qui est utile aussi bien dans le monde physique que dans le monde numĂ©rique. Il serait dommage de sâen passer.
Dansles familles nobles lâusage Ă©tait de se vouvoyer mĂȘme entre Ă©poux, mĂȘme entre parents et enfants. Ă cette pratique il y a un bon cĂŽtĂ©: le respect intĂ©gral entre les ĂȘtres et, en particulier, le respect de lâĂ©volution de chacun et, occasionnellement, un moins bon: le manque de chaleur dans les relations humaines que, parfois, cela prĂ©-suppose.Chez les Anglo-Saxons, pas dâhĂ©sitation, tout le monde se dit âyouâ. En France, on balance entre le âvousâ et le âtuâ selon des codes non-dits mais trĂšs prĂ©cis⊠A un militant de base qui lui demandait Je peux te tutoyer ? », François Mitterrand aurait rĂ©pondu Si vous voulez ! », raconte la journaliste Claude Aubry dans Dites-moi tu ! Horay, 1999. Aucun risque de subir un tel affront pour un Anglo-Saxon de lâautre cĂŽtĂ© du Channel et Outre-Atlantique, pas dâambiguĂŻtĂ© ni dâalternative, il nâexiste quâun seul pronom, you ». En Afrique du Nord, en revanche, le tutoiement est de rigueur, le BerbĂšre nâa pas de mot pour dire vous ». Chez nous, oĂč les deux sâutilisent, il sâagit dâapprendre les codes qui les rĂ©gissent, la difficultĂ© Ă©tant que lâessentiel relĂšve de lois non Ă©crites et que lâenjeu est dâimportance un tu » inappropriĂ© peut passer pour un manque de respect et installer immĂ©diatement celui qui le profĂšre dans la peau dâun grossier personnage, mal Ă©duquĂ©. En fait, de tu » Ă vous », câest tout un univers relationnel qui se dessine de lâĂ©galitĂ© Ă la domination, de lâintimitĂ© Ă la trivialitĂ©, de la provocation Ă la soumission, de la fraternitĂ© Ă lâexclusion⊠Autant de raisons de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant dâĂȘtre Ă tu et Ă toi ». Le âtuâ Ă©galitaire Dessine-moi un mouton. » Lâenfant, puisquâon sadresse Ă lui ainsi, imagine lâunivers uniquement constituĂ© de tu ». Nâayant pas encore accĂšs aux diffĂ©rences de race, de classe ou de gĂ©nĂ©ration, tous les humains sont pour lui ses semblables, sans distinction. Toi, tu es moche », lance-t-il Ă la vieille dame qui vient de lui dire quâil Ă©tait vraiment mignon. Et le SDF ou le chef dâentreprise sont logĂ©s Ă la mĂȘme enseigne. Tant quâil nâest pas initiĂ© aux codes langagiers, quâil nâa pas intĂ©grĂ© les rĂšgles de la biensĂ©ance qui permettent aux adultes de se repĂ©rer socialement, lâenfant instaure une position dâĂ©galitĂ© entre lui-mĂȘme et tous ceux qui lâentourent », explique un instituteur. En gĂ©nĂ©ral vers 6-7 ans, il apprend Ă vouvoyer les grandes personnes. En tout cas, quand il sâagit dâinconnus, car il tend Ă conserver le tutoiement pour sâadresser Ă ses proches. Dans les grandes familles bourgeoises ou aristocratiques, en revanche, le vouvoiement est presque toujours obligatoire. On se dit vous » entre parents et enfants, entre conjoints. Petit, mon pĂšre, entourĂ© de domestiques, ne voyait ses parents que tous les 36 du mois, se souvient Arnaud. Sâil a maintenu le traditionnel vouvoiement, il Ă©tait en mĂȘme temps trĂšs proche de moi, et ce âvousâ crĂ©ateur de distance ne mâempĂȘchait pas de le âvannerâ. Ce nâest que devant mes amis que ce vouvoiement me gĂȘnait marquant trop clairement notre diffĂ©rence de milieu, jâen avais honte et jâĂ©vitais de mâadresser directement Ă mon pĂšre. » Devenu pĂšre et faisant fi de sa particule, il a pris le parti de tutoyer sa fille. Sur le plan psychologique, tutoyer revient Ă sâidentifier Ă lâautre, le pronom tu » crĂ©ant une communautĂ© affective ou dâintĂ©rĂȘt, quâelle soit Ă©phĂ©mĂšre ou durable. Câest pour cela que deux personnes, lorsquâelles se rencontrent dans une salle de sport ou un hĂŽtel du bord de mer, nâhĂ©siteront pas trop Ă se tutoyer. On partage la mĂȘme passion, on a choisi le mĂȘme lieu de vacances, et ces affinitĂ©s rendent le tutoiement admissible. Alors que si les mĂȘmes personnes se croisent, anonymes, au coin dâune rue, elles vont tout naturellement se vouvoyer. La communautĂ© produite par le tu » explique pourquoi il est omniprĂ©sent dans les partis politiques, les syndicats ou les loges maçonniques. A toi de prendre la parole camarade ! » Au Parti, le tutoiement est de rigueur explique une militante communiste. Par Ă©galitĂ©, fraternitĂ©, et justement par opposition aux classes dominantes et bourgeoises. » Mais attention, ces tu »-lĂ sont plus complexes quâil nây paraĂźt et se modulent en fonction des milieux et des castes, produisant des degrĂ©s de fraternitĂ© trĂšs variables. Chez les francs-maçons, par exemple, on se tutoie, en se tenant les coudes, dans la discrĂ©tion, car on partage un mĂȘme secret rĂ©vĂ©lĂ© lors de lâinitiation du maçon dĂ©butant. Dans le show-biz, la publicitĂ© ou la presse, câest un signe de reconnaissance Ecoute, coco, on est entre nous. » Le âtuâ dâautoritĂ© Tu mouches ton nez et tu dis bonjour Ă la dame. » Câest par ces petites phrases que lâadulte initie lâenfant aux codes destinĂ©s Ă le transformer en ĂȘtre civilisĂ©. Et comme tous les petits, Quentin, 6 ans, les dĂ©teste ArrĂȘte de me donner des ordres », rĂ©torque-t-il Ă sa mĂšre. Ce nâest cependant que le dĂ©but dâun long apprentissage Ton cahier est un torchon », lui lancera lâinstituteur ; Tu as encore oubliĂ© le pain ! » lui reprochera plus tard son conjoint. Certains tu » ont pour seule fonction de nous apprendre Ă courber lâĂ©chine, et de nous rappeler quâentre nos dĂ©sirs et ceux des autres se tient souvent un large fossĂ© ! Renoncer au libre exercice de ses pulsions et impulsions, les refouler dans les profondeurs de lâinconscient, est le BA de la vie en sociĂ©tĂ©, nous apprend la psychanalyse. Attention pourtant Ă ces tu » si impĂ©ratifs. Ils sont porteurs de menace, de dĂ©valorisation, dâĂ©tiquetage, analyse le psychosociologue Jacques SalomĂ©, qui conseille dâen moduler lâusage. Toute relation, pour ĂȘtre vivante et le rester, suppose une alternance de positions dâinfluence acceptĂ©e et acceptable par les protagonistes. » Le âtuâ amoureux Le cĂ©lĂšbre Tâas de beaux yeux, tu sais » pulvĂ©rise la distance entre amoureux. La mĂȘme phrase vouvoyĂ©e ou vousoyĂ© â les deux verbes ont longtemps Ă©tĂ© en concurrence â nâaurait certes pas le mĂȘme effet. Les AmĂ©ricains, contraints de vivre dans lâunivers du vous », tentent de dĂ©passer cet obstacle en Ă©maillant leurs propos amoureux de Honey », Darling », Dear », etc. Horripilant, pour nos oreilles françaises habituĂ©es Ă dĂ©tecter la progression de lâintimitĂ© entre deux ĂȘtres par le merveilleux passage du vous » au tu ». A ces avalanches de mon miel », mon sucre » et autres douceurs, nous prĂ©fĂ©rons tellement ces dĂ©licieux trĂ©buchements verbaux qui nous font demander soudain Veux-tu un peu dâeau », Ă celui que nous vouvoyions encore quelques minutes auparavant. Ce tutoiement inopinĂ© rĂ©vĂšle alors notre dĂ©sir de rapprochement. Impossible alors de revenir en arriĂšre. Au stade oĂč lâon peut dire Jâai envie de toi », les choses sont dĂ©jĂ trĂšs avancĂ©es, et Ă peu prĂšs irrĂ©versibles⊠Encore faut-il pouvoir parler dans ces premiers instants », note GĂ©rard Zwang dans La Fonction Ă©rotique Laffont, 1978. Mais il y a aussi le vous-Ă©rotique » auquel tiennent certains couples Jâai envie de vous » signifie alors comme la premiĂšre fois ». Coquetterie de langage, il anoblit les propos les plus Ă©grillards Faites de moi votre esclave ! » Ce vouvoiement Ă©rotico-ludique a le pouvoir magique de nourrir la flamme du dĂ©sir. Il la protĂšge de lâusure, entraĂźnant les partenaires de la proximitĂ© Ă la mise Ă distance feinte, tout en convoquant tour Ă tour lâĂ©lĂ©gance, lâhumour, la tendresse ou lâironie, courroucĂ©e. Vous ĂȘtes mon lion superbe et parfois gĂ©nĂ©reux », se moque ainsi Aline Ă lâadresse de son Ă©conome mari. Mais quand la rupture est inĂ©vitable, Patricia Kass, chante âJe te dis vousâ. Le âtuâ agressif Rien dâinnocent dans le Nique ta mĂšre », rĂ©ponse au raciste Tâes pas dâici toi ? » ou au trĂšs policier Tes papiers ! ». Quand le vernis des apparences craque surgit le tu-insulte » que les automobilistes utilisent comme une seconde langue Va donc, eh, gros con ! » AllĂšgre, tu nous gonfles, arrĂȘte ton baratin », clamaient les slogans quand il Ă©tait ministre de lâEducation nationale. Avec des tu » adressĂ©s Ă ceux quâordinairement, par dĂ©fĂ©rence, on vouvoie, les foules mĂ©contentes se dĂ©foulent. Inversement, le jour oĂč vos collĂšgues rĂ©pondent par un vous » Ă votre tu » convivial, lâheure de la retraite sonne. DĂ©sormais, confie Claude Aubry, qui rentre dans cette tranche dâĂąge, si on me tutoie dâoffice, câest quâon est myope, perclus de bonnes intentions, Ă©tourdi ou quâon veut tellement me faire plaisir que ça mĂ©rite une mĂ©daille. » Les âtuâ piĂ©gĂ©s Au restaurant, jâai saluĂ© dâun âComment vas-tu ?â un acteur de sĂ©rie tĂ©lĂ©, dont le visage mâĂ©tait si familier que je lâai pris pour un proche », raconte JĂ©rĂŽme. Deux jours plus tard, un inconnu lâaborde dans le mĂ©tro dâun Quel plaisir de te revoir ! » DĂ©semparĂ©, il fouille et maudit sa mĂ©moire qui ne lui indique nulle trace de son interlocuteur. Quand celui-ci finit par lui demander un peu dâargent, Je me suis empressĂ© de lui donner. » Par deux fois, JĂ©rĂŽme sâest fait piĂ©ger. Chez Thompson CSF, une nouvelle note de service vient dâencourager les tenues vestimentaires dĂ©contractĂ©es et le tutoiement »⊠le vendredi ! Tout le monde sâest demandĂ© si câĂ©tait une blague », a racontĂ© un employĂ© Ă un journaliste de LibĂ©ration 4/9/2000. En tout cas, il sâagit dâun excellent exemple du tu » dĂ©magogique, car cette invite a, en vĂ©ritĂ©, valeur dâimpĂ©ratif. Ce diktat place les Ă©quipes dans une position fausse⊠Câest souvent une âculture du semblantâ issue de la hiĂ©rarchie, que lâon encourage sous prĂ©texte de âculture dâentrepriseâ », souligne la psychanalyste Marie-Louise Pierson. Quel joli tour de passe-passe en effet la direction feint dâoffrir lâintimitĂ© du tu » pour mieux asseoir son pouvoir ! Mais le tu » peut se montrer encore plus piĂ©geant. Dans le cadre des disputes conjugales notamment ! OĂč il masque parfois un je » qui nâa pas le courage de se montrer, affirme SalomĂ©. Dans ce contexte, la critique Ta robe rouge ne te va pas » formulĂ©e par le conjoint doit ĂȘtre compris comme un aveu Je nâaime pas ta robe rouge. » Ce tu »-lĂ est une prise de pouvoir sur lâautre. Se sentant prisonniĂšre dâun jugement sans appel, la femme va rĂ©agir par la violence. Pour Ă©viter le conflit, il serait plus judicieux de formuler un Je trouve que cette robe rouge ne te va pas », qui respecte la libertĂ© de lâautre et lui laisse une porte de sortie honorable Moi, câest ta cravate qui me fait penser Ă un perchoir pour cacatoĂšs. » Une nuance de taille, qui consiste Ă parler de soi » au lieu de parler sur lâautre ». Et qui permet dâĂ©viter les conversations klaxon » Tu⊠Tu⊠» Pourquoi câest difficile Jâai du mal Ă tutoyer les gens, et je dĂ©teste que le tutoiement me soit imposĂ©, se plaint la timide Amandine. Il y a des âtuâ dominateurs qui sous-entendent âMa petite, tu as encore Ă prendre de la graineâ ; des âtuâ complices, alors que je ne suis pas du tout sur la mĂȘme longueur dâonde ; des âtuâ qui laissent planer un doute sur la nature de mes relations. Il en est aussi de trĂšs gentils, amicaux, mais moi, il me faut du temps. MoralitĂ© je passe pour une pimbĂȘche. » Les rĂ©ticences face au tutoiement signalent une apprĂ©hension devant lâintimitĂ©. Câest le cas des timides, des phobiques du contact, qui craignent Ă la fois les intrusions extĂ©rieures et de paraĂźtre intrusifs. Entre proches, entre amis, doit-on forcĂ©ment se tutoyer ? Chacun est maĂźtre de son espace verbal, rappelle Marie Louise Pierson, auteur de LâIntelligence relationnelle Editions dâorganisation, 1999. Aussi, soyez sensibles aux repĂšres, frontiĂšres, limites que placent vos interlocuteurs et respectez-les⊠Câest leur libertĂ© fondamentale, celle de moduler leurs distances en fonction de leur ressenti. » Ma maison est mitoyenne de celle dâun couple, devenu ami, explique Christine. Nous nous apprĂ©cions beaucoup, nous dĂźnons et sortons ensemble. Pourtant, nous ne sommes jamais passĂ©s au tutoiement. Nous avons dĂ©cidĂ© de garder cette distance pour prĂ©server notre intimitĂ©. Nous sommes voisins, il ne faut pas lâoublier. » Comment parler Ă Dieu Dieu sâadresse aux hommes en les tutoyant Tu ne tueras point, tu ne commettras pas lâadultĂšre, tu quitteras ton pĂšre et ta mĂšre. » Mais ce tutoiement-lĂ nâadmet pas la rĂ©plique. Les dĂ©sobĂ©issances se vĂ©rifient peut-ĂȘtre quotidiennement, mais pas question de rĂ©pondre au Seigneur Tais-toi et laisse-moi tranquille ! » Depuis le concile Vatican II 1962-1965, les fidĂšles ont lâautorisation de tutoyer lâEternel dans leurs priĂšres Donne-nous chaque jour notre pain quotidien. » Lorsquâil convoque ce concile, le pape Jean XXIII est mĂ» par la volontĂ© de moderniser lâEglise et dâunifier la communautĂ© chrĂ©tienne. Dans ce contexte, ce tutoiement inĂ©dit place chaque chrĂ©tien Ă Ă©galitĂ© devant Dieu. Paul VI, successeur de Jean XXIII, a, de plus, le souci de personnaliser la relation de la crĂ©ature â nous â Ă son CrĂ©ateur. Câest dire que, ce passage du vous » au tu », sâil ne nous apprend rien sur la nature divine, en dit long sur le dĂ©sir de lâEglise de ne pas paraĂźtre trop anachronique.
letutoiement est instaurĂ© dans une orga- nisation, les distances hiĂ©rarchiques se manifestent toujours. Par ailleurs, mĂȘme s'ils sont dĂ©crĂ©tes parl'entreprise, vouvoiement ettutoiement sont d'abord des postures, c'est-Ă -dire des codes qui rendent visible la relation entre- tenue entre collĂšgues. «J'ai dĂ©jĂ observĂ© des cadres se vouvoyer lors d'une Tutoyer ou vouvoyer Le tutoiement se gĂ©nĂ©ralise de plus en plus. SaluĂ© par les uns comme un progrĂšs bienvenu, il est vĂ©cu par dâautres de façon incommode. Quelle diffĂ©rence existe-t-il donc entre les deux maniĂšres de sâadresser Ă son entourage ? Peut-on les utiliser indiffĂ©remment ou marquent-elles respectivement un autre genre de relation ? Notre langage, un rĂ©vĂ©lateur de notre Ă©tat intĂ©rieur LâhumanitĂ© Ă©volue depuis de nombreux millĂ©naires et ses membres ont acquis une certaine conscience dâeux-mĂȘmes qui leur font utiliser tout naturellement aujourd'hui le mot je» pour se dĂ©signer. Mais il nâen a pas toujours Ă©tĂ© ainsi. Dans le passĂ© lointain, lâĂȘtre humain nâĂ©tait pas conscient, comme il lâest aujourdâhui, dâĂȘtre une individualitĂ© distincte de son entourage - la nature - et des autres membres de sa communautĂ©, sa tribu. Il vivait en osmose totale avec eux et ce nâest que peu Ă peu quâil sâen est extrait, pour devenir une personnalitĂ© consciente dâelle-mĂȘme et de ses diffĂ©rences par rapport aux autres, et par lĂ , consciente des rĂ©percussions que pouvaient avoir ses actes sur son environnement et ses semblables. Cette Ă©volution de lâinconscience vers plus de conscience sâest faite progressivement et sâest tout naturellement reflĂ©tĂ©e dans lâĂ©volution de la langue. On peut ainsi constater que dans les langues anciennes, le mot je » est trĂšs peu employĂ© en tant que terme isolĂ©. IncorporĂ© dans le verbe et placĂ© comme terminaison de celui-ci, il ne figurait pas de maniĂšre distincte dans la conjugaison comme câest le cas de nos jours. Ce nâest que bien plus tard quâil fut sĂ©parĂ© du verbe et placĂ© avant lui pour dĂ©signer celui qui est le moteur de lâaction dĂ©crite par le verbe. Cette lente prise de conscience du moi peut aussi ĂȘtre observĂ©e de façon condensĂ©e dans lâenfance de lâĂȘtre humain actuel. Dans leur jeune Ăąge, les enfants nâutilisent pas le mot je, mais se dĂ©signent par leur nom ou un dĂ©rivĂ© de celui-ci. Ils disent par exemple Jean veut une pomme» et non je veux une pomme», comme ils le feront au stade suivant. Bien que la prise de conscience du soi ne soit pas la mĂȘme chez un enfant que chez un adulte mature et responsable - et non seulement conscient dâexister mais conscient de ses actes - le mot je» est utilisĂ© dans les deux cas. Ce prĂ©nom personnel nâest donc plus en mesure de rĂ©vĂ©ler la diffĂ©rence de maturitĂ© ; le langage cependant la distingue par un autre biais par lâemploi du tu et du vous. En effet, si lâenfant commence par tutoyer tout le monde, il apprend bientĂŽt quâil y a des personnes Ă qui lâon ne peut sâadresser ainsi et quâil faut vouvoyer. Le passage du tu» au vous» marque ainsi une Ă©volution de la perception de ses relations avec son entourage, car il ne peut se comporter de maniĂšre identique lorsquâil tutoie ou vouvoie. Cette Ă©volution est Ă©galement visible historiquement. Si dans le passĂ© le tutoiement Ă©tait le plus courant, il fallut attendre le 16e siĂšcle pour que le vous sâimpose. Pendant la Renaissance, câest le vous qui Ă©tait utilisĂ© et on ne tutoyait que les domestiques. Le siĂšcle suivant, sous lâinfluence de Rousseau, le tutoiement rentra Ă nouveau dans les usages, et plus encore aprĂšs la RĂ©volution au nom de lâĂ©galitĂ©. Mais si les hommes sont Ă©gaux devant les lois, le sont-ils en eux-mĂȘmes ? Lâapparition de la bourgeoisie, - on tutoie toujours plus dans les milieux populaires que bourgeois - rendit au vous une place prĂ©pondĂ©rante. Câest probablement Ă partir des annĂ©es 1960 rĂ©volution hippie, mai 68,... quâil succomba, pour laisser Ă nouveau une place plus importante au tutoiement. Il est gĂ©nĂ©ralement admis que lâon tutoie les personnes auxquelles on est uni par des liens Ă©troits de parentĂ©, dâamitiĂ© ou de camaraderie. Le tu» est donc employĂ© dans les relations caractĂ©risĂ©es par la proximitĂ©, lâintimitĂ©, lâaffinitĂ©. Dans lâintimitĂ© du foyer, lâenfant tutoie ses parents, ses frĂšres et sĆurs, car ce sont ses proches et quâil est en relation constante avec eux. Mais ce tutoiement quâil Ă©tend dâabord sans distinction Ă tous ceux quâil rencontre le facteur, lâĂ©picier, les voisins,... prend un jour fin. Il dĂ©couvre quâil y a des relations qui ne sont pas du mĂȘme type que celle du milieu familial, et quâil existe un intĂ©rieur et un extĂ©rieur. Avec les gens de lâextĂ©rieur, les relations ne sont pas proches ou intimes. Le maĂźtre dâĂ©cole, lâĂ©picier,... font partie de lâextĂ©rieur ». Ils ne sont pas liĂ©s Ă la famille et sont dâun genre d'approche diffĂ©rent. Le tu» implique effectivement une certaine relation de dĂ©pendance. Lâenfant est dĂ©pendant de ses parents et ceux-ci Ă©galement de lui, puisquâils ne peuvent disposer entiĂšrement dâeux-mĂȘmes. Leurs dĂ©cisions sont dĂ©pendantes des devoirs quâils doivent remplir envers lui. Le tu rĂ©ciproque est donc bien de mise dans cette relation caractĂ©risĂ©e par des liens si Ă©troits. Les enfants se tutoient. Existe-t-il donc un lien entre eux ? Bien quâils aient chacun leur caractĂšre, les enfants sont en affinitĂ© ou proches les uns des autres. Ils le sont car ils sont tous des personnalitĂ©s non encore pleinement affirmĂ©es ou indĂ©pendantes, comme elles pourraient lâĂȘtre une fois adulte. Ils ne sont pas encore responsables dâeux-mĂȘmes. Le tutoiement, qui correspond Ă cet Ă©tat, est donc tout naturel. A certaines Ă©poques, les parents vouvoyaient leurs enfants, mais cette pratique pousse les enfants dans un rĂŽle - celui dâĂȘtres indĂ©pendants et responsables - quâils ne sont pas encore en mesure dâassurer pleinement. De façon gĂ©nĂ©rale, le tutoiement des enfants par les adultes doit lui aussi prendre fin un jour. Le passage du tutoiement au vouvoiement se fait dans la pĂ©riode de lâadolescence, quand lâesprit perce vraiment et que lâĂąge de la pleine conscience de soi et de ses responsabilitĂ©s approche. Effectivement, pendant lâadolescence, la personne devient une personnalitĂ© Ă part entiĂšre. Elle cesse dâĂȘtre non-responsable et dĂ©pendante. C'est l'Ă©poque Ă laquelle le jeune homme ou la jeune fille quitte le nid familial pour voler de ses propres ailes. Le passage Ă lâĂ©tat de pleine maturitĂ© ne se fait pas du jour au lendemain, mais progressivement. Lorsque celui-ci est atteint, les jeunes gens sont heureux d'ĂȘtre vouvoyĂ©s par les adultes, parce que cela est conforme Ă ce qu'ils ressentent intĂ©rieurement. C'est seulement lorsque cet Ă©tat n'est pas encore atteint qu'ils prĂ©fĂšrent en rester au tu». Si comme nous l'avons abordĂ© le tutoiement caractĂ©rise une relation proche, intime dans laquelle il y a une affinitĂ©, le vouvoiement indique que les deux interlocuteurs sont diffĂ©rents, indĂ©pendants lâun de lâautre. Le vous marque certes une certaine distance, mais celle-ci ne rĂ©sulte pas d'un jugement de valeur nĂ©gatif ni ne l'implique. Au contraire, elle exprime le respect de lâautre. Celui-ci est considĂ©rĂ© comme un ĂȘtre Ă part entiĂšre Ă qui lâon doit le respect. Cela se rĂ©vĂšle nettement, car chaque fois que lâon veut contester la dignitĂ© dâun adulte ou sa valeur, le vous est abandonnĂ© pour le tu. Par exemple, les remontrances lancĂ©es contre un automobiliste indĂ©licat se font sur le mode du tutoiement. Jadis les serviteurs Ă©taient tutoyĂ©s pour marquer la diffĂ©rence hiĂ©rarchique. Câest dâailleurs bien parce quâon ne leur accorde pas encore la responsabilitĂ© que les adultes tutoient les enfants. Certains parents les vouvoient quand ils les grondent pour essayer de faire appel Ă leur sens du devoir et des responsabilitĂ©s. Le vouvoiement reconnaĂźt Ă lâautre le droit dâĂȘtre indĂ©pendant et de dĂ©cider librement de la maniĂšre dont il veut mener sa vie. Le vouvoiement est ainsi en relation avec le libre arbitre de lâĂȘtre humain, cette facultĂ© qui rĂ©side dans lâesprit et qui lui donne la possibilitĂ© de choisir, sans ĂȘtre influencĂ©, ce quâil veut penser, dire et faire. Mais Ă cette libertĂ© de choix est associĂ©e la responsabilitĂ© des dĂ©cisions prises. Le libre arbitre ne peut donc pas ĂȘtre le propre des enfants. Il ne devient effectif que chez les jeunes gens, Ă la fin de lâadolescence, autrement dit prĂ©cisĂ©ment Ă la pĂ©riode oĂč le jeune homme ou la jeune fille commence Ă ĂȘtre vouvoyĂ© ! Chaque adulte devrait ĂȘtre heureux de lâexistence du vouvoiement, car le genre de relation quâengendre le vous lui permet non seulement de garder sa propre indĂ©pendance et sa libertĂ© par rapport aux autres, mais Ă©galement dâĂȘtre respectĂ© dans son propre dĂ©sir dâindĂ©pendance et de libertĂ©. Que se passe-t-il en effet lorsquâun inconnu nous aborde et nous tutoie sans autorisation ? Nous sommes surpris et ressentons intĂ©rieurement un mal-ĂȘtre car les limites ne sont plus respectĂ©es, un certain respect disparaĂźt et nous sommes privĂ©s de la libertĂ© de choisir entre la relation de tutoiement et de vouvoiement. Le fait que chacun de nous soit un je» diffĂ©rent, rĂ©side dans lâexistence du libre arbitre. Câest grĂące Ă lui que nous dĂ©cidons, de maniĂšre tout Ă fait personnelle, ce que nous voulons faire de nous-mĂȘme et comment nous allons le faire. Les expĂ©riences vĂ©cues que nous faisons, et qui rĂ©sultent de nos libres choix, façonnent alors peu Ă peu notre personnalitĂ© de façon particuliĂšre. Elle est particuliĂšre, car elle rĂ©sulte forcĂ©ment dâune combinaison de dĂ©sirs et de dĂ©cisions diffĂ©rente de celle des autres. Pour bĂ©nĂ©ficier pleinement de sa propre facultĂ© de libre dĂ©cision et pouvoir Ă©voluer en consĂ©quence, il faut Ă©viter de la limiter de quelque façon que ce soit. Il est donc nĂ©cessaire de garder toute son indĂ©pendance, son droit Ă ĂȘtre diffĂ©rent, donc Ă ĂȘtre soi-mĂȘme, ce qui, comme nous lâavons vu, nâest possible - chez les personnes possĂ©dant le libre arbitre, câest-Ă -dire les adultes - que grĂące au... vouvoiement. Mais alors pourquoi le tutoiement se gĂ©nĂ©ralise-t-il de nos jours ? Le tutoiement entre adultes Le tutoiement entre adultes est lĂ©gitime dans les relations Ă©troites oĂč les deux ĂȘtres en prĂ©sence sont trĂšs proches et en affinitĂ©. Ces conditions sont avant tout remplies dans le mariage. Dans le mariage, le tu, et non le vous, se justifie car dĂ©cidant dâĂ©voluer ensemble en sâaidant mutuellement, les Ă©poux ont volontairement choisi de cĂ©der une partie de leur indĂ©pendance pour unir leur destin. Le vouvoiement entre Ă©poux montrerait donc le contraire. Il Ă©tait trĂšs courant Ă une Ă©poque mais, en ce temps lĂ , les mariages Ă©taient souvent des mariages arrangĂ©s ou de raison. Le tutoiement implique une liaison Ă©troite avec lâautre. Cette liaison est-elle si courante que le tutoiement doive se gĂ©nĂ©raliser comme il le fait actuellement ? Y a-t-il vraiment une liaison Ă©troite, une intimitĂ© et une communautĂ© de destin entre tous les gens qui se tutoient les collĂšgues de travail, les membres dâun club, les connaissances, les voisins, etc. ? Le tutoiement est considĂ©rĂ© actuellement comme un signe de grand progrĂšs et de maturitĂ© dâesprit, mais en examinant de plus prĂšs les situations oĂč lâon se tutoie, on peut constater que ce nâest pas le cas. Les adultes qui sây livrent perdent quelque chose et ils y recourent plus comme Ă une solution de facilitĂ© que comme Ă un vrai moyen de sâaffirmer et de progresser. Le tutoiement sur le lieu de travail, dans un club de sport ou tout autre groupe, permet dâĂ©viter de se dĂ©marquer des autres. Il donne la possibilitĂ© de se fondre dans le groupe, dâavoir lâimpression de lui appartenir. On y est ainsi acceptĂ© presque automatiquement et sans effort, comme dans une grande... famille ! La famille, qui, comme nous lâavons vu, est bien le lieu oĂč lâon se tutoie ! Au cours dâune soirĂ©e, le tutoiement dâinconnus qui viennent dâĂȘtre prĂ©sentĂ©s permet de baisser la garde». De cette façon, la plus grande responsabilitĂ© de ce que lâon dit, et la maniĂšre de se comporter quâimplique le vouvoiement, tombent avec le tutoiement. Le tutoiement place les adultes dans une situation similaire Ă celle quâils ont connue dans leur enfance, celle de camarades encore non-responsables, oĂč tout est Ă peu prĂšs permis, puisque rien nâest vraiment sĂ©rieux ni ne porte Ă consĂ©quence. Cette sorte de refus dâĂȘtre un adulte peut probablement ĂȘtre mis en relation avec le dĂ©sir de nombreuses personnes dâun certain Ăąge dâaujourdâhui qui cherchent Ă tout prix Ă paraĂźtre jeune, que ce soit dans leur maniĂšre de parler, de sâhabiller ou dâoccuper leurs loisirs. Que le tutoiement permette de gommer les diffĂ©rences, de se dĂ©barrasser de ses responsabilitĂ©s et de se donner Ă bon compte le sentiment dâappartenir Ă une grande famille est au fond bien connu et utilisĂ© consciemment par certains. Un cĂ©lĂšbre organisateur de voyages par exemple, impose volontairement le tutoiement dans ses villages de vacances. Les vacanciers, qui ne se connaissent pas au dĂ©part, se rapprochent trĂšs vite, perdent leurs inhibitions, fraternisent et se fondent avant peu dans la joyeuse inconscience du groupe. Agir en connaissance de cause En Ă©tant prĂȘte Ă cĂ©der une part de son indĂ©pendance aux personnes tutoyĂ©es, la personne qui tutoie en perd forcĂ©ment une partie. Celle-ci se trouve entre les mains de ses vis-Ă -vis. Le tutoiement lie donc les individus les uns aux autres. Cette liaison nâest pas anodine et il est difficile de sâen dĂ©barrasser. Etant dotĂ© du libre arbitre, lâĂȘtre humain peut choisir de communiquer avec ses semblables en les vouvoyant ou en les tutoyant, mais au-delĂ de ce que cela rĂ©vĂšle de lui, le choix quâil effectue va faciliter ou non son Ă©volution personnelle. Le tutoiement, sous ses apparences de facilitĂ©, engendre de nombreux problĂšmes, car en liant et en ouvrant des portes Ă toutes sortes dâinfluences extĂ©rieures, il entrave le libre arbitre. Le vouvoiement, lui, semble plus difficile, mais il facilite les choses, car il permet de conserver sa libertĂ© intĂ©rieure et son indĂ©pendance. Christopher Vasey Article basĂ© sur les connaissances du Message du GraalJesouhaite savoir si, lorsqu'une situation conjugale devient intenable en attendant le divorce, et qu'Ă ce titre, elle devient toxique pour les enfants, il est possible de quitter momentanĂ©ment et en respectant chacun, le domicile conjugal, afin de - PosĂ©e par missmajorelle. Attention vous n'ĂȘtes pas connectĂ© Ă internet.ï»żLâinterrogation concernant les implications du tutoiement semblait incongrue il y a peu, tant lâĂ©vidence du vouvoiement sâimposait. Il y avait des codes et personne ne les remettait en cause. Aujourdâhui, la question se pose de plus en plus notamment dans le monde de la start-up, un univers professionnel oĂč le vouvoiement recule. Cependant, le tutoiement est-il appropriĂ© dans tous les cas de figure ? Alors quel choix adopter ? Une grande partie des français ont Ă©tudiĂ© la langue anglaise en premiĂšre langue et donc au moins jusquâĂ lâĂąge de 16 ans. Langue qui ne fait pas de diffĂ©rence entre le tu et le vous. De plus les jeunes ont Ă©tĂ© conduits Ă faire des stages dans des pays anglo-saxons et ont donc adoptĂ© de nouvelles habitudes. Les diffĂ©rences de niveau hiĂ©rarchique, dâĂąge, de sexe constituent les trois barriĂšres implicites au tutoiement. Parfois, elles sâajoutent les unes aux autres excluant le tutoiement. Elles sont, en fait, issues dâhabitudes sociales et culturelles le patron ou le contremaĂźtre tutoyait facilement, appelait par leur prĂ©nom sa secrĂ©taire, ses employĂ©s ou ses ouvriers qui, en revanche, les vouvoyaient et leur donnaient du Monsieur » en retour. En primaire, dans la plupart des Ă©coles, les enfants tutoient leur maĂźtre/maĂźtresse ; en secondaire, les Ă©lĂšves vouvoient leurs professeurs et ceux-ci, selon les consignes du chef dâĂ©tablissement, les tutoient ou les vouvoient⊠tout est affaire de choix, dâhabitude et de classe sociale. » Ătre entrepreneur aujourdâhui ». Editions Eyrolles Le tutoiement, la solution de proximitĂ© ? Aujourdâhui, les entreprises cherchent Ă crĂ©er une certaine proximitĂ© entre les salariĂ©s et avec le dirigeant. Ce changement qui sâeffectue est en grande partie liĂ© Ă la conception du travail qui a changĂ© notamment pour les gĂ©nĂ©rations X et Y et Ă la nĂ©cessitĂ© dâune plus grande crĂ©ativitĂ©. Le tutoiement permet dâĂ©tablir une ambiance de travail moins formelle et plus dĂ©contractĂ©e. Les Ă©changes dâidĂ©es fusent davantage et le rĂ©sultat est souvent satisfaisant. Il permet Ă©galement de faire tomber la frontiĂšre des diffĂ©rentes gĂ©nĂ©rations. Sâil est devenu un mode dâadresse naturel entre les salariĂ©s, le tutoiement du patron est moins Ă©tendu. Or, celui-ci dĂ©mocratise la distance hiĂ©rarchique et dĂ©veloppe une relation humaine et non plus seulement professionnelle. Il favorise lâesprit dâĂ©quipe il crĂ©e un sentiment dâappartenance Ă une mĂȘme communautĂ© et fĂ©dĂšre le groupe en offrant Ă chacun la mĂȘme chance dây trouver sa place. La proximitĂ© quâil implique permet de tisser des liens qui vont au-delĂ du rapport purement professionnel, donnant parfois lieu Ă des partages dâactivitĂ©s en dehors du travail. Aujourdâhui, celui-ci donne une image dynamique des entreprises et renforce la cohĂ©sion de lâĂ©quipe. Chez Companeo, nous avons rendu le tutoiement obligatoire, depuis la crĂ©ation de lâentreprise, en 2000. Lâobjectif reste dâĂ©viter le questionnement et lâembarras relationnel sur ce sujet trĂšs quotidien. Bien sĂ»r, les Ă©quipes internationales et lâusage du you » amĂšnent aussi Ă prendre position sur ce sujet. Finalement, le tutoiement se rĂ©sume en trois points clĂ©s proximitĂ©, simplicitĂ©, international ! », tĂ©moigne Laurent Horwitz, cofondateur de Companeo. Le tutoiement, lâautoritĂ© en pĂ©ril ? Paradoxalement, la familiaritĂ© sous-entendue par le tutoiement complique parfois les relations. Il implique un rapprochement psychologique qui peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme manipulatoire en donnant lâillusion dâune amitiĂ© forcĂ©e. Tutoyer son supĂ©rieur fait parfois oublier sa position de chef et met en pĂ©ril son autoritĂ©. Il convient donc de rappeler subtilement cette position quand la situation lâimpose. Le retour au vouvoiement provoque alors un choc mais peut sâavĂ©rer nĂ©cessaire notamment lorsque lâentrepreneur doit faire une remarque dĂ©sobligeante mais justifiĂ©e et quâun salariĂ© nâarrive pas Ă distinguer sympathie et travail lâinverse est aussi vrai. Le tutoiement ne marque aucune distanciation, peut nuire au respect mutuel et peut rapidement dĂ©raper mĂȘme entre salariĂ©s. Il peut Ă©galement freiner les demandes dâaugmentation de salaire ou de conditions de travail plus agrĂ©ables. Il est prĂ©fĂ©rable dâĂ©viter lâaller-retour du Tu » au Vous ». AprĂšs un conflit, le vouvoiement risque de revenir pour marquer une distance et le tutoiement qui prĂ©cĂ©dait devient faussĂ©, engendrant un plus grand malaise. La substitution du vous » au tu » souligne Ă©galement la faiblesse de la nature relationnelle. Mieux vaut prendre son temps avant de tutoyer le tu » est un chemin de non-retour. En rĂ©alitĂ©, le tutoiement doit ĂȘtre volontaire il doit vous convenir dâun cĂŽtĂ© comme de lâautre. Tutoyer et ĂȘtre tutoyĂ©, lĂ est la question⊠Il ne faut pas hĂ©siter Ă exprimer sa difficultĂ© Ă tutoyer et conserver ce qui est naturel. Ce blocage sur le tu » pourra Ă©voluer avec le temps. Toutefois, il est tout Ă fait possible de vouvoyer quelquâun tout en lâappelant par son prĂ©nom. Par habitude sociale, câest le supĂ©rieur hiĂ©rarchique qui propose le tutoiement dans la mesure oĂč câest lui qui dĂ©tient le pouvoir de donner telle ou telle image de son entreprise et puisque câest lui qui est responsable de lâimage de son entreprise ainsi que de lâimplication de son faire tutoyer en tant que patron ne doit en aucun cas niveler les diffĂ©rences hiĂ©rarchiques qui doivent demeurer pour le bien de lâentreprise sauf si vous ĂȘtes adepte de lâentreprise sans hiĂ©rarchie. Et vous, avez-vous une prĂ©fĂ©rence pour le tutoiement ou pour le vouvoiement ? Ne rĂ©flĂ©chissez pas trop Ă votre choix la bonne attitude est celle qui convient aux deux parties. Le tutoiement ne se dĂ©crĂšte pas on le propose ou on lâautorise mais il ne doit pas ĂȘtre contraint. .